News 05/05/2021

Dominique Cabrera : un cinéma plus que jamais nécessaire

Une actualité multiple invite à se pencher sur l’œuvre de Dominique Cabrera, artiste discrète et néanmoins engagée, dont la filmographie a une valeur inestimable en ces temps plutôt désespérants.

Dominique Cabrera avait fait l’objet, dans un autre siècle, d’un “Gros plan” dans Bref. C’était dans le numéro 21 de notre revue, au printemps 1994, et une belle photo noir et blanc de son documentaire Une poste à la Courneuve était même à la une. Ce film, Chris Marker lui-même en avait loué les qualités et la réalisatrice a depuis fait son chemin dans le paysage du cinéma français, parfois en son cœur et plus fréquemment vers ses marges, en empruntant des sentiers de traverse à la fois sur le front de la création documentaire et sur celui de la fiction.

Un livre-somme imposant – 460 pages – lui étant consacré vient de paraître, dirigé par l’une de nos collaboratrices, Julie Savelli, maître de conférences en études cinématographiques à l’université" de Montpellier 3. Dominique Cabrera, l’intime et le politique, chez De l’incidence éditeur, réunit une vingtaine de savantes contributions signées Jean-Louis Comolli, Annie Ernaux, Laurent Roth, Laure Adler, Stéphane Lerouge, Frédérique Berthet et beaucoup d’autres. Des documents de travail sont compris, ainsi que des entretiens avec des collaborateurs proches. De quoi baliser au mieux une œuvre pas toujours valorisée à sa juste mesure, mais qui compte réellement dans le cinéma français contemporain, tant par son engagement que sa finesse et sa profondeur.

Nous avions proposé sur Brefcinema, à l’occasion de la sortie en salles de Corniche Kennedy au début de 2017, Ici là-bas, l’un des courts métrages de la réalisatrice, dont les longs métrages sont eux aussi à redécouvrir d’urgence, du premier en fiction, L’autre côté de la mer (rappelons que Dominique Cabrera est née en Algérie, au sein d’une famille rapatriée alors qu’elle n’avait pas encore cinq ans), jusqu’au très beau Le lait de la tendresse humaine, un titre finalement presque programmatique de ce cinéma si sincèrement généreux, honnête, profond.

Une rétrospective de ces 5 longs de fiction de la réalisatrice (citons aussi Nadia et les hippopotames, avec Ariane Ascaride) devrait se tenir tout prochainement à la Cinémathèque française, tandis que la Cinémathèque du documentaire et la BPI proposent à partir de ce mercredi 5 mai – et ce, jusqu’au vendredi 14 – une intégrale documentaire en ligne, faute de salles ouvertes assez tôt.

Un alléchant nouveau projet, Le cinquième plan de La jetée, sera entre autres réjouissances présenté en ouverture, et tous les opus de son fameux journal filmé seront naturellement eux aussi diffusés, comme ses courts les plus rares, par exemple Réjane dans la tour (1993).

Christophe Chauville

 

Dominique Cabrera, l’intime et le politique, sous la direction de Julie Savelli, De l’incidence éditeur, 460 pages, 2 cahiers d’images, 26 euros.
Paru le 16 avril 2021.

Photo ci-dessus : Ranger les photos (2010), court métrage coréalisé avec Laurent Roth.

À lire aussi :

- Un coffret DVD de 6 films de Dominique Cabrera : Il était une fois la banlieue.