Livres et revues 19/02/2022

Laurent Cantet, le sens du collectif, chez Playlist Society

Nous avons suivi depuis ses débuts le parcours de Laurent Cantet, qui méritait amplement de se voir consacré ce livre nouvellement édité, comprenant un entretien conséquent.

La sortie d’Arthur Rambo il y a deux semaines aura eu ceci d’ironique que sa discrétion et son retentissement étouffé auront été sans commune mesure avec ce qui s’y joue, s’y déploie et s’y raconte de la société actuelle, de ses emballements médiatiques, de la mise en scène de soi à l’ère des réseaux sociaux et de la célébrité instantanée. C’est dommage, mais cette sortie raccorde finalement assez finement avec l’attitude d’un cinéaste modeste, qui semble souvent plus faire les films pour les autres (ceux qu’il filme et révèle) que pour lui-même (Entre les murs, de manière exemplaire).

Arthur Rambo – presque un reflet inversé, dans son soubassement littéraire, de son film précédent, L’atelier – aura surtout rappelé à quel point Laurent Cantet demeure, quoique jeune sexagénaire, attentif à cette jeunesse mutante qui, au fil de presque trois décennies maintenant, a, à deux exceptions près, toujours été au cœur de son cinéma.

Tout cela, le petit ouvrage concocté par l’ACRIF et Playlist Society nous le rappelle dans une formule éditoriale dûment rodée depuis quelques années. Un texte général, ici signé Marilou Duponchel, puis, au cœur du livre un long entretien film par film mené par Quentin Mével. Les deux courts métrages de Laurent Cantet qui nous sont si chers ne sont pas oubliés. Et, si l’on regrette que l’aventure collective de la société de production Sérénade soit un peu survolée, l’évocation détaillée de leur fabrication rappelle à quel point Tous à la manif et Jeux de plage comptent, à nos yeux en tout cas et sans doute dans le cœur de leur auteur, autant qu’Entre les murs ou Ressources humaines.

Au gré des films, des rencontres et des expériences, ce que l’on retient surtout, c’est à quel point les films de Cantet se trouvèrent souvent en se faisant, au tournage surtout, au montage ensuite, et comme l’apport de ses comédiens, professionnels ou non, fut toujours ce qui fut décisif, ce qu’il fallait chercher dans le travail des répétitions, dans le fait de tourner à plusieurs caméras, de décider des plans parfois au dernier moment. Il n’y a guère plus éloigné finalement de la figure du cinéaste démiurge. Et c’est la beauté des expériences humaines, l’humilité d’un créateur qui s’interroge, qui n’a pas de réponse toute faite aux différentes questions sociétales qui agite son cinéma, qui ressort de la lecture de cent pages d’un entretien passionnant.

Stéphane Kahn

Laurent Cantet, le sens du collectif, de Marilou Duponchel et Quentin Mével, Éditions Playlist Society, 144 pages, 8 euros.
Disponible à partir du 22 février 2022.

À lire aussi :

- Sur Jeux de plage, de Laurent Cantet.

- Retour sur le parcours de Cantet au moment de la sortie de L’atelier.