Livres et revues 05/03/2025

Jeu, set et match : Godard !

Paru en janvier, un petit livre étonnant ressuscite la figure du cinéaste en tournage, signé de Catherine Tanvier, ex-numéro un française de tennis dont JLG avait désiré faire une actrice, juste le temps d’un film…

Un film à Rolle offre une fort stimulante lecture, en un peu moins de 130 pages, pour quiconque s’intéresse à Godard, ou même à la simple fabrication d’un film. En 2007, le grand cinéaste tournait chez lui, sur les bords du Lac Léman, Film socialisme, et choisissait, pour incarner la mère de cette famille qu’il avait ainsi prévu de mettre en scène, une interprète n’ayant jamais joué : Catherine Tanvier. N’ayant jamais joué devant une caméra de cinéma, devons-nous préciser, mais pas mal devant celles de la télévision, sur les courts de tennis, puisqu’il s’agissait d’une joueuse ayant été numéro un française (et 20e mondiale) dans les années 1980, à l’époque des Noah, Leconte et Forget chez les hommes… 

On connaît à la fois le goût de JLG pour la discipline – et même sa réelle expertise en la matière, comme on le constate au fil des pages – et son inclinaison à faire tourner des interprètes non professionnels parmi d’autres qui l’étaient (ici, Elisabeth Vitali ou Eye Haïdara). La tennis-woman a accepté, non sans appréhension et raconte son expérience, inédite et insolite, au fil de courts chapitres posant un regard particulier sur un artiste à propos duquel on pouvait penser que tout avait déjà été écrit. À tort, car le portrait ainsi brossé apport d’autres éléments, sur son approche du travail et du plateau, mais aussi lors des moments off, notamment ces matchs qu’il propose à l’ancienne championne, pour le plaisir, après s’être sustenté d’une tarte aux fraises au club-house… Et “Cathy” s’attache alors à le mettre en valeur sur le court, à son insu, en se faisant volontairement pas mal balader…

Ce récit, vivant et honnête, se garde de tomber dans l’hommage panégyrique, s’appuyant sur une valeur littéraire réelle (ce n’est pas un coup d’essai pour l’autrice, qui avait déjà signé Déclassée en 2007) pour explorer la double dimension de cet homme – malicieux – prénommé Jean-Luc (“une fête à lui tout seul”) et du mythe JLG composant son œuvre, avec confiance et puissance. Il lui avait demandé d’être seulement elle-même et Catherine Tanvier écrit sans le moindre regret : “Il me l’a dit : “N’imaginez surtout pas après ce film devenir actrice”. Quatorze ans plus tard, je n’aurai rien joué d’autre.” Juste un film, donc, mais à Rolle…

Christophe Chauville

Catherine Tanvier, Un film à Rolle, En exergue Éditions, 134 pages, 17,90 euros.
Paru en janvier 2025.

À lire aussi :

- Sur Scénarios de Jean-Luc Godard, à Cannes 2024.

- Un court sur le court : Tennis Elbow, de Just Philippot.