En salles 13/04/2023

Une vie de chien : Jean-Baptiste Durand du court au long

Récompensé au dernier Festival Premiers plans d’Angers, Chien de la casse sera à découvrir au cinéma à partir du 19 avril. Il est produit par Insolence Productions, à l’instar de deux des trois courts métrages qui l’ont précédé depuis dix ans.

Le Pouget, dans l’Hérault, à quelques kilomètres à l’ouest de Montpellier, mais dans un autre monde, dirait-on, avec les causses tout autour et pas mal d’ennui au quotidien. Surtout pour la jeunesse, en premier lieu Dog et Mirales. Potes depuis toujours, du moins l’époque de l’école primaire, qui sont restés au village et traînent dans les rues, jouent à la console, se retrouvent le soir sur une petite place avec les autres, en une agora presque entièrement masculine, ce qui implique son lot de vannes et parfois de vexations.

C’est bien le nœud sensible de la relation entre les deux inséparables de Chien de la casse : était-ce à l’origine pour tuer le temps, mais Mirales, grande gueule patentée, prend trop souvent son pote Dog comme souffre-douleur, pire que son chien Malabar, qu’il adore et respecte finalement beaucoup plus. Et pourtant ce duo ne semble pas pouvoir faire l’un sans l’autre, et l’irruption inopinée d’une fille, étudiante à Rennes venue chez sa tante, lui sert de révélateur, alors qu’une amourette va s’initier entre Dog le taiseux et cette jolie Elsa, qui représente le monde et l’ailleurs, une autre vie potentielle ainsi entrevue.

À dix ans d’intervalle, à peine, de nombreux ponts relient Il venait de Roumanie (disponible sur Brefcinema actuellement) et Chien de la casse dans le parcours artistique de Jean-Baptiste Durand. Ce décor villageois et la bandes de potes, dont certains forts en gueule, qui passent – perdent ? – leur temps à bavasser, fumer et jouer à la console, maillot de foot sur le dos. Une peinture prégnante de la vie de cette fameuse “France des oubliés”, pourrait-on dire, avec des thématiques récurrentes, celle de la perte en premier lieu. Perte littérale, d’ailleurs, dans Il venait de Roumanie, après le décès accidentel d’un membre de la bande de dilettantes, ouvrant un deuil vécu de différentes manières par ses compères.

Le rapport au féminin, aussi, est central, problématique – dans les mots ou dans les situations – dans Le bal et dans Vrai gars comme dans Chien de la casse. Le titre de ce premier long métrage semble d’ailleurs venir directement du rap proposé par le personnage principal de Vrai gars, décidé à tourner un clip et s’accrochant avec sa petite amie, chargée de faire tourner la caméra et subissant les foudres de l’indélicat.

C’est toute la justesse du cinéma de Jean-Baptiste Durand, dans l’écriture et la mise en scène, direction d’acteurs comprise (voir le trio formé par Anthony Bajon, Raphaël Quenard et Galatea Bellugi dans Chien de la casse), que de brosser le portrait de cette périphérie sociale délaissée, ou se considérant plus justement comme telle, dont on parle toujours plus depuis la crise des Gilets jaunes à l’automne 2019.

Le constat, le plus souvent, n’est pas sans espoir, une réconciliation entre “frangins” d’élection pouvant se produire (ainsi, entre Dog et Mirales autour du cadavre du molosse sacrifié) ou une histoire d’amour inattendue se profiler (entre un entraîneur de foot, ado très attardé, et la mère quadragénaire de l’un de ses jeunes joueurs dans Le bal). Un autre, certes, se finit en miroir dans Vrai gars, la tentative de recoller les morceaux, via un poème en forme de rap, n’étant pas suffisante, quoique touchante… Certains, décidément, n’en auront pas fini, loin de là, avec leur vie de chien de la casse. La suite dans un prochain opus occitan ? On l’attend déjà…

Christophe Chauville

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