Extrait
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Il venait de Roumanie

Jean-Baptiste Durand

2014 - 22 minutes

France - Fiction

Production : Insolence Productions, BarrHaus

synopsis

C’est la vie d’un village, cet univers cloîtré qui fabrique des histoires, de l’ennui, des amitiés nécessaires, que l’auteur raconte. Au cours d’une journée, il dresse le portrait de feu Clément, sa chambre intacte et les vidéos qui restent de lui.

Jean-Baptiste Durand

Né en 1985, Jean-Baptiste Durand a grandi à Montpeyroux, un petit village à proximité de Montpellier. Après une scolarité chaotique, il obtient un bac littéraire spécialité Histoire de l’art. Il étudie ensuite à l’École supérieure des Beaux-Arts de Montpellier. S’intéressant d’abord à la peinture et au dessin, son travail évolue vers le cinéma et il réalise en 2010, pour son diplôme, un court métrage de fiction, L’amour sans le sexe. Ce film très autobiographique sur l’amitié, racontant les rapports passionnels entre trois jeunes d’un village, pose les jalons de son travail.

En sortant de l’école, il travaille un temps comme technicien sur des films, en tant que machiniste, décorateur, assistant réalisateur ou encore comédien. En parallèle, il réalise quelques clips de rap et continue le dessin. 

En 2014, il réalise son premier court métrage dans le cadre professionnel avec Insolence Productions : Il venait de Roumanie. Le film est sélectionné dans plusieurs festivals importants, tels Clermont-Ferrand, Brest, Aix-Provence, Bruxelles, Aubagne ou encore le FIFIB, à Bordeaux.

Deux autres courts métrages suivent, toujours produits par Anaïs Bertrand : Le bal en 2018 et Vrai gars en 2021. Ce dernier reçoit le Prix du scénario au Festival Tous Courts, en plus d’être montré en compétition à Clermont-Ferrand et à Pantin.

Le premier long métrage de Jean-Baptiste Durand, Chien de la casse, se voit décerner le Prix du public au Festival Premiers plans d’Angers en 2023. Interprété par un trio en vue – Anthony Bajon, Raphaël Quenard et Galatea Belluggi –, il est distribué dans les salles par Bac Films le 19 avril 2023.

Critique

Des images brouillonnes, un son de caméscope : Jean-Baptiste Durand nous embarque tout de suite sur le terrain du souvenir. Drôle d’atmosphère que ces jeunes qui se challengent entre eux, boivent trop, fument et s’en vantent. Des images prises à la volée, sans grand intérêt, commentées par une voix, elle, bien ancrée dans le présent. Un doute affreux nous saisit, bientôt confirmé. Il n’a pas fallu grand-chose pour nous faire comprendre que Clément, l’un des adolescents sur ces images, ne boira plus jamais. “Avant sa mort” : ces mots prononcés à la légère tombent comme un couperet, ambivalence à l’image du film. De là démarre un récit de court métrage très bien construit, en trois temps qui nous mènent vers une inéluctable dispute.

Tout le sujet est là, dans ces quelques minutes d’introduction. Comment se souvenir de ceux qui nous ont quittés. Il y a deux écoles : ceux qui gardent le silence, se taisent, s’isolent ; ceux qui parlent de l’absent et continuent de le charrier. Deux couleurs, deux caractères, deux meilleurs amis qui étaient encore trois peu de temps auparavant. Damien, calme, souvent cadré seul, dans des plans presque immobiles, tout juste tremblant ; Yohan, volubile, dans des cadres mouvants, pleins de gens, de mouvements, de bruits. Le passage dans la voiture est révélateur de leur caractère buté : chacun dans un plan, compressé d’un côté par une portière, de l’autre par le bord du cadre ; et tout cet air qui ne sert rien, à droite du conducteur, à gauche du passager. Ce choix crée un malaise qui explose dans une dispute frontale entre deux mondes, mise en avant par le montage, les décors et les costumes. Sous ses airs de prises de vue réelles, ce premier court métrage du réalisateur cache une série de choix très réfléchis et efficaces.

C’est ainsi qu’il réussit à créer une ambiance radicalement différente lorsque les deux amis entrent chez les parents du défunt. Tendresse, chaleur, les couleurs reviennent sur les visages. Le soleil éclabousse les images grises du début, le rap s’éteint pour faire place au silence. Dans cette bulle frappée par la douleur, Jean-Baptiste Durand voit l’amour qui subsiste malgré tout chez les vivants. Ce qui compte, c’est que Yohan et Damien aiment Clément, chacun à sa manière. Il n’y a rien à départager, pas de solution à apporter. Juste la complexité des émotions humaines, la subjectivité de chacun. Certains ont besoin d’un temps pour s’habituer à l’absence, se remettre du rappel soudain de notre mortalité. D’autres ne peuvent pas s’en remettre sans remplir l’espace de bruit dans un effort désespéré pour que la vie continue.

Anne-Capucine Blot

Réalisation et scénario : Jean-Baptiste Durand. Image : Benoit Jaoul. Montage : Isabelle Bénet. Son et musique originale : Hugo Rossi. Interprétation : Johan Libéreau, Damien Jouillerot, Clément Chebli, Dominique Reymond, Pascal Miralles et Louise Blachère. Production : Insolence Productions et BarrHaus.

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