En salles 03/06/2021

Un trésor disparu mis en lumière : The Amusement Park de George A. Romero

C’est la surprise de la semaine : un moyen métrage de 53 minutes réalisé par le papa de La nuit des morts vivants, datant de 1973 et invisible depuis 46 ans, est distribué en salles par Potemkine Films.

On sait, en France, comme la commande institutionnelle sut, entre les mains de cinéastes avisés, produire des œuvres majeures dans les années 1950 ou 1960. D’Hôtel des Invalides de Georges Franju au Chant du styrène d’Alain Resnais en passant par Les statues meurent aussi que ce dernier co-signa avec Chris Marker, les exemples sont nombreux. Et connus.

Peut-être est-ce plus étonnant de l’autre côté de l’Atlantique, et la découverte d’une œuvre méconnue de George A. Romero, The Amusement Park, en salles depuis le 2 juin, vient offrir un exemple américain tout aussi pertinent.

Sur le papier, rien de bien excitant pourtant, puisque le réalisateur de La nuit des morts-vivants se voit confier, en 1973, la mission de tourner un film sensibilisant au sort des personnes âgées, délaissées, déclassées. C’est une commande de la communauté luthérienne de Pittsburgh, ville dans laquelle Romero situera la plupart de ses films.

À l’écran, c’est tout autre chose et ce moyen métrage se glisse sans peine dans la filmographie officielle de Romero en tant qu’œuvre autonome, hybride et fascinante. Avec une narration ténue et une construction en boucle – où la dérive du personnage principal, un vieil homme perdant ses illusions dans un parc d’attractions, se transforme en cauchemar éveillé, en ride paranoïaque dont l’outrance graphique est soulignée par l’usage des courtes focales – The Amusement Park ressemble à un épisode de La quatrième dimension parasité par un lecteur goguenard des E.C. Comics.

Si l’on pense à la série de Rod Serling, c’est surtout parce que le sous-bassement de nombre d’épisodes était bien – on l’oublie parfois – l’humanisme du scénariste, sa foi dans la bonté et la rédemption (une part de l’anthologie fantastique que la maestria narrative et le cynisme des twists fait parfois négliger). Dans The Amusement Park, en introduisant la fiction avec l’acteur principal dans son propre rôle – une note d’intention, quasiment – et en la concluant avec le même sur une sorte de morale à destination des jeunes générations, Romero ne procède pas autrement que Serling apparaissant au début et à la fin de chaque épisode à la télévision, sans pour autant céder sur la cruauté de son cinéma.

Ainsi, le pessimisme de la séquence finale (le film reprend à son début et rien n’est résolu) semble contredire l’épilogue didactique qui suit, et explique aisément pourquoi le film ne fut pas diffusé par ses commanditaires, restant jusqu’à aujourd’hui pratiquement invisible. Le découvrir tardivement, à l’aune d’une filmographie aussi inégale que passionnante, rappelle à quel point, depuis ses débuts, Romero fut un observateur affuté et critique des dérives libérales de la société occidentale.

Stéphane Kahn

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