En salles 11/05/2023

Un second “premier pas” pour Florence Vignon

L’homme debout, le premier long métrage de cette scénariste, comédienne et réalisatrice, également collaboratrice attitrée de Stéphane Brizé à une époque, est apparu dans le calendrier des sorties pendant le Festival de Cannes, abordant un thème apparaissant en pleine actualité : le départ en retraite !

Parfois, les passages du court au long prennent du temps, beaucoup de temps, mais tout peut finir par arriver, et c’est finalement assez réconfortant. De Florence Vignon on se rappelle la collaboration avec Stéphane Brizé, dans les années 1990. Elle était à la fois l’actrice et la coscénariste de L’œil qui traîne, en 1996, puis, dans la même configuration, sur Le bleu des villes, le premier long métrage de Brizé, en 1999. Elle y incarnait une contractuelle et son mari était joué par Antoine Chappey, ce qui suffit à donner envie de voir ou revoir ce film rarement, sinon jamais diffusé sur le petit écran, mais trouvable en DVD…

À la même époque, Florence Vignon avait signé son propre court métrage en tant que réalisatrice, Le premier pas (photo ci-dessus). Une “petite histoire” en apparence, celle des retrouvailles entre une mère et sa fille, entre qui la vie avait creusé un fossé. Mais la fille en question, en vérité en situation précaire, ne voulait pas montrer l’échec de sa vie, jouant de faux-semblants, s’irritant et devenant agressive envers une mère certes maladroite par instants, mais assez banale dans son genre, aussi…

Justesse des situations et des dialogues, longs plans (au restaurant, le temps du déjeuner) et direction d’actrices au cordeau, mettant face à face Catherine Vinatier, dont le visage était alors très familier du court (et dont la coupe courte était proche de celle de Florence Vignon, remarque-t-on en revoyant le film), et Claire Nadeau, figure à la fois excentrique et rigide des années 1980.

Le film avait connu son petit succès en festivals (avec des sélections à Clermont, Brest, Alès, Villeurbanne et la Quinzaine des réalisateurs), Florence Vignon avait collaboré à nouveau avec Stéphane Brizé sur les scénarios de Mademoiselle Chambon – le film qui changea tout, ou presque, pour lui – en 2010, puis de Quelques heures de printemps (2012) et Une vie (2017), mais on ne croisait quand même son nom que par intermittence et c’est une vraie surprise que de la retrouver en ce printemps 2023 avec un long métrage passé par les trous de la raquette des inventaires de “films à venir” et au très beau titre : L’homme debout (photos ci-dessus, ci-dessous et en bandeau), qui sort le 17 mai, distribué par Orange Studio.

En découvrant le pitch du film, adapté d’un roman (Ils désertent de Thierry Beinstingel), on comprend vite les raisons du moment de sa sortie : un représentant en papier peint (!) refuse de prendre sa retraite, en ayant pourtant atteint l’âge de la chose (mais celui d’avant ou d’après la réforme ?) et une jeune femme récemment embauchée dans l’entreprise doit le convaincre de raccrocher pour s’imposer elle-même et être embauchée en CDI. Un motif d’une totale actualité, donc, et un duo dissemblable à qui Jacques Gamblin et Zita Hanrot (très loin de son rôle dans le récent À mon seul désir de Lucie Borleteau, comme on peut s’en douter…) prêtent leur présence et leur belle palette de jeu respectives. Pour une narration parfois ronronnante, quelque peu prévisible, mais absolument honnête et respectant ses personnages, pour qui ressentir de l’empathie est aisé, comme dans Le premier pas il y a presque vingt-cinq ans.

C’est déjà beaucoup, dans le paysage global de la production française qui se borne trop souvent à proposer des récits et formes télévisuel(le)s. Il y a plus d’ambition à cet égard dans L’homme debout et on souhaite à Florence Vignon – qui apparaît de surcroît dans son film, en gérante d’hôtel mélancolique, bienveillante envers le VRP, ce “Monsieur Henri” admirateur de Rimbaud, à l’allure et la personnalité volontiers anachronique – de pouvoir enchaîner plus promptement sur son projet suivant.

Christophe Chauville

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- Un court métrage avec Zita Hanrot : Avec Suzanne de Félix Moati.