En salles 16/09/2025

Sciences, féminisme et dessin animé : Mary Anning

Présenté en compétition officielle du dernier Festival d’Annecy, ce premier long métrage coproduit entre Suisse et Belgique est signé d’un artiste suisse bien connu, depuis la fin des années 2000, pour ses courts métrages d’animation (Vigia et Dans la nature notamment). Conseillé dès l’âge de 6 ans, Mary Anning est à voir à partir du 17 septembre sur grand écran.

Elle est considérée comme une pionnière dans le domaine de la paléontologie. Mary Anning, originaire de Lynne Regis sur la côte sud de l’Angleterre, a découvert des fossiles qui ont joué un rôle primordial dans notre connaissance de l’évolution. Autodidacte, elle a commencé enfant, en compagnie de son père, avant de voler de ses propres ailes à sa mort, alors qu’elle avait seulement onze ans.

Le réalisateur suisse Marcel Barelli, lui-même passionné par le vivant et qui rêvait de devenir paléontologue, a tout de suite été fasciné par l’histoire de cette fillette curieuse et déterminée qui, bien qu’issue d’une famille modeste et n’ayant reçu aucune formation scientifique, s’est battue pour faire reconnaître ses découvertes, désormais exposées dans les grands musées du monde. Mais si la contribution scientifique de Mary Anning est aujourd’hui incontestée, on sait en revanche peu de choses sur sa vie personnelle, ce qui a amené le cinéaste à combler les vides. Pour cela, il s’est entouré de l’incontournable Pierre-Luc Granjon, qui n’a pas son pareil pour écrire des histoires intelligentes à hauteur d’enfant. Ensemble, ils ont imaginé un long métrage (le premier pour Marcel Barelli) qui mêle avec bonheur une approche documentaire rigoureuse et des aspects plus romanesques, librement inspirés de la réalité et mettant Mary en contact d’une galerie savoureuse de personnages.

Avec cette première vraie incursion dans le domaine de la fiction, le cinéaste suisse rompt ainsi dans une certaine mesure avec son travail de courts métrages, des documentaires satiriques qui, sous couvert d’observer les comportements animaliers, abordent souvent la question de l’extinction des espèces due à l’activité humaine (Vigia en 2013 – visuel ci-dessus, Martha en 2024, Ex-tract en 2025) ou se jouent de notre rapport avec le vivant, comme Dans la nature (2021), qui met en pièces les préjugés sur ce que les humains considèrent comme “naturel” ou non.

Il s’est même départi de son trait cartoonesque pour aller vers une esthétique ronde et douce, qui lui a semblé plus adaptée aux spécificités du récit. C’est là encore le résultat d’une collaboration fructueuse, cette fois avec la réalisatrice Marjolaine Perreten (Le dernier jour d’automne, La colline aux cailloux), dont on connaît le sens du détail et la délicatesse. Elle apporte beaucoup de grâce et de poésie aux paysages du Dorset où se situe l’histoire, et notamment les fameuses falaises qui sont le terrain de recherches de Mary Anning.

Dans Mary Anning, le récit s’articule autour de la recherche d’un squelette fossile capital, l’ichthyosaure, un reptile marin disparu depuis des millions d’années, que la scientifique a effectivement découvert en 1811, à l’âge de douze ans. Cette quête répond avant tout à la nécessité de trouver l’argent nécessaire pour payer les dettes familiales, mais aussi de prouver à sa mère qu’une femme peut être une scientifique. En prime, elle permet à la fillette de lutter contre l’obscurantisme conservateur et religieux personnifié par le révérend. Un triple enjeu qui illustre les problématiques auxquelles a été confronté le personnage pendant la majeure partie de sa vie, et qui s’inscrit dans une grille de lecture particulièrement contemporaine.

Loin de la frénésie ou de la mièvrerie qui parasitent certaines propositions pour le jeune public, Marcel Barelli s’empare donc du motif quelque peu formaté du biopic pour imaginer un film d’aventures captivant qui apporte aux jeunes spectateurs une véritable réflexion sur les rapports de classe ou de genre, ainsi que sur la force du collectif et de l’entraide.  Le film se double alors d’un hymne à la désobéissance, mettant en scène des enfants qui refusent presque unanimement de suivre la voie étriquée que leurs parents ou leur professeur ont tracée pour eux et qui, grâce à leur curiosité et leur désir d’apprendre, permettent de faire progresser les connaissances humaines.

Marie-Pauline Mollaret

À lire aussi :

- D’autres héroïnes animées dans le programme Géniales !, disponible en DVD.

- Retour sur le Festival d’Annecy 2025 : Pierre-Luc Granjon récompensé.