En salles 06/05/2022

Retour sur Cannes 2021 au cinéma

Label désormais coutumier des sorties de programmes de courts métrages, Origine Films invite à retrouver sur grand écran, à partir du 11 mai prochain, 5 titres remarqués sur la Croisette l’année dernière.

Cannes 2021 avait connu une édition exceptionnellement juilletiste et a donc moins d’une année d’ancienneté, ce qui fait que les films courts distribués au sein de ce nouveau programme complet par l’équipe d’Origine Films nous semblent encore tout neufs.

Pour commencer par la fin, la Palme d’or de l’an dernier, venue de Hong-Kong, l’assez étrange Tous les corbeaux du monde de Yi Tang (photo de bandeau), sera le point d’orgue du voyage à travers les continents ainsi proposé. Une lycéenne de dix-huit ans, se montrant volontiers effrontée, y traverse la nuit sur un tempo plutôt mouvementé, entre un dîner censé préparer une union arrangée (dont elle n’a évidemment pas la moindre envie), un curieux passage dans un claque où se pressent des filles court vêtues et une chorégraphie improvisée avec un barbu dégarni en quête du garçon de ses rêves.

On échappe rapidement à l’ambiance initiale rappelant celle des Rebelles du Dieu Néon de Tsai Ming-liang pour plonger dans une succession de saynètes pop et parfois baroques correspondant à ce courant irrévérencieux du cinéma chinois indépendant et forcément non officiel.

Auparavant, on sera partis d’une banlieue française en compagnie d’Adrian Moyse Dullin et de son très inspiré Haut les cœurs (photo ci-dessus), que l’on ne présente plus. Le film, produit par Punchline Cinéma, avait été découvert sur La Croisette et a connu une belle carrière depuis, ses jeunes ados confrontés à leurs premiers frissons sentimentaux, dans le huis clos d’un bus scolaire et sur les notes de L’été de Vivaldi, ayant séduit de nombreux publics en France et ailleurs (Nice, Aix-en-Provence, Angers, Sundance, le Colcoa, etc.).

Même constatation pour Sidéral de Carlos Segundo (photo ci-dessus), coproduction entre Brésil et France (via Les Valseurs, plus précisément), qui narre la curieuse aventure d’une famille vivant dans la région du Nordeste, à proximité d’une base de lancement spatial, et où l’épouse et mère, femme de ménage, disparaît sans prévenir. Dans son noir et blanc léché et ses cadres solidement posés, le film a un je-ne-sais-quoi de jarmuschien, à la fois dans l’humour et un certain attrait pour le fantastique, dans une métaphore plaisante sur les aspirations à d’autres horizons caressées au sein des existences jugulées.

Rappelons que ce film a aussi reçu le Prix Canal+ lors du dernier festival de Clermont-Ferrand.

Très différent est Céu de agosto – Ciel d’août en VF – de Jasmin Tenucci, qui se déroule lui aussi au Brésil, mais à São Paulo, et qui résulte d’une insolite coproduction avec… l’Islande ! On y suit une jeune femme enceinte en une journée aux accents apocalyptiques, alors que la forêt amazonienne est en proie à des incendies gigantesques et dans l’ambiance étouffante de la proximité de ces églises pentecôtistes qui prospérant au cœur de la société du géant d’Amsud.

Une variation fascinante, de plus, dans le contexte du régime bolsonarien, piétinant les préoccupations environnementales. On n’oublie pas de sitôt le premier plan et ce ciel orangé assombrissant le cœur d’une après-midi estivale finalement plutôt asphyxiante. Une mention du jury avait distingué le film à Cannes.

Pa vend, de Samir Karahoda, dont le titre est traduisible en français par “déplacé”, est aussi un drôle de projet, ayant fait le choix formel du format 4/3. À la frontière entre documentaire et fiction, il emmène jusqu’au Kosovo, une contrée rarement représentée à l’écran (sinon dans le premier long métrage de Luàna Bajrami, La colline où rugissent les lionnes, qui sortira début mai), autour de quelques membres d’une communauté rurale vivotant d’un point de vue économique et misant quelque espoir sur la pratique du tennis de table, qui pourrait faire émerger une poignée de champion(ne)s en devenir… À travers l’un des personnages, revenu d’Allemagne, une réflexion sur l’Europe, entre Est et Ouest, prend de surcroît une dimension supplémentaire en ces temps de guerre en Ukraine (rappelons que a question kosovare demeure un nœud diplomatique aux yeux de la Serbie, traditionnellement proche de la Russie). 

Christophe Chauville

À lire aussi :

- Haut les cœurs, évoqué dans nos “3 souvenirs de Cannes” en 2021.

- Le précédent programme distribué en salles par Origine Films : Histoire(s) de famille(s).