Rencontre avec Ninna Pálmádottir, à propos du Vieil homme et l’enfant
Remarquée grâce à ses courts métrages (dont Paperboy, qui fut diffusé sur Brefcinema), la jeune réalisatrice islandaise Ninna Pálmádottir voit son premier long métrage – dont le titre original est Solitude – gagner les écrans de l’Hexagone cette semaine. Elle a répondu pour nous à quelques questions.
Le titre original de votre film est Solitude. C’est un motif qu’on associe souvent, à tort ou à raison, à la vie en Islande : en quoi vous intéressait-il particulièrement de le traiter et en quoi vous apparaît-il particulièrement cinématographique ?
Pour moi, il est intéressant de constater que la solitude est en fait un sentiment collectif partagé que la plupart des gens traverse ou ressent d’une manière ou d’une autre, comme un désir ou un besoin d’appartenance, et j’ai toujours été fascinée par la façon dont on peut utiliser le langage cinématographique : le cadre, l’espace, le son… pour exprimer les émotions des personnages.
Je comprends que ce sujet soit naturel en Islande – c’est une île assez isolée dans l’Atlantique et le contraste entre la capitale et le reste du pays est très visible. J’ai grandi dans une petite ville, mais aussi dans la campagne islandaise et j’ai également vécu à New York, et je me suis rendu compte qu’on peut tout aussi bien se sentir isolé dans des villes surpeuplées que dans des fjords isolés.
Vous mettiez déjà en scène un garçon d’une dizaine d’années dans Paperboy, qui avait aussi un job de livreur. Le lien est-il direct entre ces deux films ? Pourquoi êtes-vous attirée par l’enfance en tant que réalisatrice ?
Le fait que ce thème soit présent dans le scénario de Rúnar et aussi dans mon court métrage était une coïncidence totale. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé que je devais réaliser ce film ; c’était le destin. Surtout que le scénario avait un lien étroit avec mes deux courts métrages Paperboy et All Dogs Die. Je pense qu’écrire et parler de l’enfance est un moyen d’être très sincère et vulnérable sans être obligé de mettre des filtres. Cela correspond également à ma promesse de toujours rester curieux du monde et des gens.
La curiosité enfantine pour le monde et les observations que font les enfants sont des choses très belles. En fait, ce film ressemble à un coming of age pour les deux personnages – le jeune et le vieux : Gunnar fait ses premiers pas dans la vie sociale de la ville, presque comme un enfant curieux, et Ari traverse une période formatrice avec sa famille.
Le vieil homme et l’enfant repose sur la relation entre l’enfant et le sexagénaire exilé en ville. Que vouliez-vous transmettre par le biais de cette amitié inattendue ? Pouvez-vous nous parler de vos deux interprètes ?
Encore une fois, je pense qu’il y a quelque chose d’intéressant dans le côté « sans filtre » de leurs caractères - la sincérité et l’honnêteté qui sont souvent présentes chez les enfants, puis chez les personnes plus âgées ayant une expérience de la vie. Ce n’est qu’une observation personnelle. Il s’agit donc de voir à quel point cette amitié est naturelle, et que le confort qu’elle procure provient de l’absence de jugement de part et d’autre.
Je suis vraiment fascinée par les rencontres entre inconnus et les amitiés bizarres, et la façon dont les gens peuvent laisser une trace importante dans notre vie. Je pense que ce qui nous empêche parfois d’avancer, c’est de nous attendre au pire de la part des autres.
Vous avez travaillé sur le scénario de ce film avec Rúnar Rúnarsson, dont on connaît également le travail en France, en court comme en long métrage. Selon vous, comment un pays si peu peuplé que l’Islande parvient-il à faire émerger autant de cinéastes de grand talent ?
C’est une question très flatteuse pour nous deux, et je peux vraiment dire que c’est une grande source d’inspiration pour moi d’être entourée de tant de cinéastes islandais talentueux. C’est parfois un mystère pour moi aussi – je sais que notre population n’est pas très importante. Peut-être que c’est dû à la mentalité de petit pays isolé, le fait de devoir s’efforcer pour avoir une voix qui porte. Je n’en sais rien. Parfois, je dis pour plaisanter que créer, c’est un mécanisme d’adaptation pour faire face aux hivers sombres. Mais je pense vraiment qu’il y a une mentalité très “émotive” dans notre art : on est expressifs et on ne craint pas de ressentir des choses profondes. En tout cas je suis impatiente d’entendre les voix des cinéastes de l’avenir, et je pense qu’il y a tant d’histoires intéressantes à raconter en Islande.
Quels seront vos prochains projets ? Reviendrez-vous à l’avenir au format du court métrage ?
En ce moment j’écris un scénario de long métrage et j’en développe un autre. Je suis aussi ouverte à la réalisation pour la télévision. Et oui, j’aimerais faire plus de courts métrages – c’est un format qui permet de rester concentré sur ce qui est important pour raconter une histoire. Du moins, c’est comme ça que je les vois. J’ai peut-être quelques idées que j’aimerais réaliser au bon endroit et au bon moment.
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