Quarante ans après, Lubna Playoust dans les pas de Wenders
Quatre décennies après Wim Wenders dans Chambre 666, la réalisatrice du court métrage de fiction Le cormoran lui pose la même question, ainsi qu’à une trentaine d’autres cinéastes : “Le cinéma est-il un langage en train de se perdre, un art qui va mourir ?” Réponse(s) à partir du 25 octobre…
Lubna Playoust, dont le court métrage Le cormoran fut sélectionné à San Sebastian en 2021 et à Clermont-Ferrand l’année suivante, se lancera forcément dans un long métrage de fiction tôt ou tard. Mais ses premiers pas dans ce format, Chambre 999, se font sous les auspices du documentaire, à travers un film faisant directement écho à celui qu’avait entrepris Wim Wenders en 1982, le fameux Chambre 666, dans lequel le cinéaste allemand posait une question cruciale sur l’avenir du cinéma – sinon sa fin – à quelques-uns de ses illustres collègues passant alors par le Festival de Cannes, à savoir Antonioni, Fassbinder, Godard, Herzog, Spielberg, etc.
Quatre décennies plus tard très exactement, la jeune réalisatrice en a repris le principe et le dispositif, passant du numéro de chambre de l’Antéchrist à celui d’une fin de cycle, prometteur de nouveau départ potentiel. Le lien entre les deux films, à quarante ans d’intervalle, souligne à quel point de nouveaux périls sont apparus, d’une toute autre ampleur, pour le Septième Art, liés principalement à la “révolution digitale” selon la formule consacrée.
Mais il y a toujours des combattifs, à côté des pessimistes, et la plupart des cinéastes convié(e)s – on a tout de même progressé sur le point de la parité… – à s’exprimer témoigne de beaucoup de lucidité dans la réflexion, sans renoncer, pour certain(e)s à caresser des espoirs passant aussi par une volonté politique. On ne développera pas ici tel ou tel point de vue, ceux des instinctifs comme des plus “cérébraux”, mais le panel – ils et elles sont trente – s’avère complémentaire, de Wenders lui-même, qui ouvre le bal, à Alice Rohrwacher, qui le ferme, en passant par Assayas, Cronenberg, Desplechin, Farhadi, Gray, Jaoui, Lapid, Östlund, Serra, Winocour, Zlotowski, etc.
On s’extirpe de la chambre et du film avec la conviction, tout de même que le cinéma n’est pas en train d’agoniser, ouf, mais en s’interrogeant tout de même sur la teneur que pourrait prendre un troisième volet en 2062…
Bien sûr, il semble ardu de jeter un pont entre Chambre 999 et Le cormoran (photo ci-dessus), et pourtant il y en a un, puisque le second joue aussi d’extrémités temporelles et des années écoulées entre les deux bornes. À un bout, celle d’une enfance où une mère – Lubna Playoust elle-même – et son enfant passent ensemble des vacances dans une maison au bord de la mer. À l’autre, celle où ces deux-là se retrouvent au même endroit, avec leurs souvenirs, lui commençant à se dégarnir, elle cherchant à retenir les choses pendant qu’elle en a encore l’occasion. Robinson Stévenin et Mireille Perrier, qui en tiennent les rôles, sont d’ailleurs chacun porteurs d’imaginaires filmiques particuliers et ce cinéma “de chambre”, comme on osera le qualifier, assume sa part de mélancolie, quoique sans résignation. Sans doute aussi grâce à la lumière – assez magique dans Le cormoran – de l’excellente Marine Atlan, à l’œuvre dans les deux films.
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