En salles 26/09/2023

Le Festival d’Hyères ressuscité

À travers son documentaire Jeune cinéma, distribué cette semaine dans les salles par Carlotta Films, Yves-Marie Mahé propose un montage d’archives de cette manifestation mythique où passèrent Garrel, Akerman, Carax, Schroeter et beaucoup d’autres.

C’est un festival de cinéma nimbé d’une aura de légende, qui eut lieu entre 1965 et 1983 dans le sud de la France, à Hyères – et durant quelques années à Toulon, on y reviendra – et qui aura été le deuxième en importance dans l’Hexagone après Cannes, ayant révélé plusieurs générations émergentes et engendré finalement, une quinzaine d’années plus tard, le Festival des cinémas différents et expérimentaux de Paris.

Jeune cinéma, réalisé par Yves-Marie Mahé et produit par Nicolas brevière de Local Films, arrive en salles cette semaine, distribué par Carlotta Films, et l’épopée qu’il retrace est si passionnante qu’on aimerait aussi pouvoir revenir ici sur l’intégralité de cette histoire inouïe, foisonnante, folle en un sens.

Constitué uniquement d’archives – filmées, photographiques, sonores –, le film plonge d’abord dans une époque bien précise, suivant de près la Nouvelle vague et précédant Mai 68, où le cinéma est un objet de discussions, de querelles, de controverses, desserrant le carcan gaulliste, et on retrouve à l’écran des personnages clés de la période – Claude Chabrol, Jean-Louis Bory, Bernadette Lafont, Philippe Garrel, etc. 

L’après-68, c’est le règne des grands débats contestataires, des engueulades autour de la lutte des classes et de l’art bourgeois, du développement du féminisme historique, avec par exemple les films de l’Allemande Helma Sanders ou de la Norvégienne Anja Breien, quelque peu oubliée aujourd’hui.

C’est aussi le moment charnière de l’éloignement progressif, sinon le schisme, entre les deux volets de la manifestation : le “cinéma d’aujourd’hui”, voué à la fiction et aux narrations plus “classiques”, et les cinémas dits différents, plus expérimentaux et conceptuels, portés aux nues par de hautes figures telles que Marguerite Duras, Dominique Noguez ou Marcel Mazé.

La destin du festival est intimement lié aux évolutions du contexte politique, puisque la Ville d’Hyères, au milieu des années 1970, juge l’événement destiné intrinsèquement à un milieu parisien bien défini et coupé de la population locale, obligeant son créateur Maurice Périsset, à choisir l’exil à Toulon, jusqu’en 1977, où la mairie d’Hyères bascule à gauche et récupère la manifestation, dominée alors par la présence de Pierre-Henri Deleau, qui intègre largement le court métrage à la programmation.

Et la dernière édition, en 1983, intervient l’année même de la naissance de L’Agence du court métrage, comme en un passage de relais symbolique dans la diffusion du format… Quarante ans après, il est plus qu’utile de se replonger dans cette ère cruciale, déjà lointaine et aux répercussions pourtant toujours directes.

Christophe Chauville

À lire aussi :

- Sur les 50 ans du Collectif Jeune cinéma (en 2022).

- Un autre film de montage distribué par Carlotta en 2023 : Italia, le feu, la cendre.