En salles 01/03/2023

Deux premiers longs en salles, venus d’Espagne et du Japon

L’attrait de Brefcinema pour le cinéma émergent ne concerne bien entendu pas seulement la production française. Les premiers longs métrages d’Elena López Riera et de Genki Kawamura correspondent ainsi à nos bons conseils de la semaine.

Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, El agua d’Elena López Riera (photo de bandeau) l’a été dans la foulée dans de nombreux festivals et couronne la trajectoire ascendante de la jeune réalisatrice espagnole déjà très en vue à la faveur de ses courts métrages Las vísceras (2016) et Los que desean, lauréat du Pardo d’oro à Locarno en 2018, avant d’être récompensé à Vila do Conde l’année suivante. 

El agua se déroule dans la petite ville où la réalisatrice a grandi, à proximité de Murcie, dans le sud-est de l’Espagne – une région a priori assez peu représentée au cinéma. On y suit la jeune Ana, mais aussi sa mère célibataire et sa grand-mère, soit des femmes de trois générations considérées par certains esprits mal intentionnés comme des sorcières. Le thème peut sembler coller à l’air du temps, il n’empêche que le récit l’empoigne avec originalité et poésie, des légendes immémoriales venant envelopper ce roman d’apprentissage, tandis que l’adolescente rencontre peut-être l’amour, pour la première fois sérieusement en tout cas. Et un pont est jeté assez évidemment avec les courts cités, où s’entrechoquaient aussi – avec bonheur – tradition et modernité, chronique naturaliste et onirisme, récit de fiction et éléments documentaires.

Après Carla Simón, notamment, la relève du cinéma espagnol prend un tour plus féminin, c’est une excellente nouvelle. Tout comme la confirmation d’un nouveau talent au sein de la – riche – production d’auteur japonaise. Genki Kawamura avait présenté un court métrage, Duality, en compétition officielle du Festival de Cannes en 2018. Également écrivain, il a, pour enchaîner sur son premier long, adapté l’une de ses propres œuvres littéraires et raconte donc, dans N’oublie pas les fleurs (photo ci-dessus), la relation entre un fils et sa mère, alors que celle-ci décline au fur et à mesure que la maladie d’Alzheimer gagne du terrain.

Le traitement pourrait être au pathos, ce n’est pas le cas, bien loin de là, grâce à la pudeur de l’écriture et de la mise en scène, émaillée de trouvailles narratives ou visuelles magnifiques – une mention à ces intrigants “demi-feux d’artifice” mentionnés tout au long du film. Le point de vue alterne le présent et, en flash-backs, un passé tout aussi perturbant, avec une boussole infaillible pour brouiller rêve et réalité, à savoir une inspiration avouée des Contes de la lune vague de Kenji Mizoguchi. Le résultat est assez bouleversant, sans être pourtant désespéré, car comme le précise le cinéaste-écrivain, “Lorsqu’une rivière se jette dans la mer, l’eau pure et l’eau salée se mélangent. Nos vies sont comme cela.”

Christophe Chauville

À lire aussi :

- Du court au long : Chevalier noir d’Emad Aleebrahim Dehkordi, sorti depuis le 22 février.

- Du court au long : Comme une actrice de Sébastien Bailly (sortie le 8 mars 2023).