En salles 16/02/2023

Comme une actrice : Sébastien Bailly du court au long

Présenté cette année au Festival Premiers plans d’Angers, le premier long métrage de Sébastien Bailly sortira le 8 mars prochain (chez Épicentre Films). Également cofondateur du Festival de Brive, le réalisateur avait auparavant signé une demi-douzaine de courts métrages.

En 2018, un programme proposé en salles, intitulé Féminins plurielles, réunissait trois courts métrages de Sébastien Bailly : Douce (2011), Où je mets ma pudeur (2013) et Une histoire de France (2015). Trois fictions de tonalités différentes, mais entièrement tournées (comme annoncé) vers des personnages féminins, ce qui est à nouveau le cas avec Comme une actrice, premier long métrage où Julie Gayet incarne une comédienne à la croisée des chemins, alors que la charnière de la cinquantaine lui interdit désormais certains rôles et que sa vie privée jusque-là sans nuages périclite, son époux metteur en scène (et ex-Pygmalion, joué par Benjamin Biolay) la quittant pour une jeune journaliste (Agathe Bonitzer, qui se faisait plutôt rare ces derniers temps).

Ce résumé pourrait être celui d’un drame réaliste et un rien théâtral situé dans les alcôves du microcosme artistico-médiatique parisien, mais Sébastien Bailly lui donne, et c’est un postulat affirmé de son projet, une dimension fantastique – avec d’emblée l’intégration au récit de gouttes chinoises magiques (la référence à Gremlins de Joe Dante ou au méconnu Alice de Woody Allen est du reste délibérée), dont on ne spoilera pas ici les effets.

Cette inscription délibérée dans le territoire d’un cinéma dit de genre, où les troubles de l’esprit se traduisent directement sur le corps, abîmant la chair, a plus qu’une valeur métaphorique et inscrit l’entreprise dans une tradition filmique où le cinéma français s’engage toujours assez peu. C’est d’ailleurs la première fois que le cinéaste se confronte à une telle proposition, ses courts étant restés, au-delà de leur richesse thématique et narrative (voir les différentes strates dans le passionnant Une histoire de France), dans les limites du champ du réalisme.

Cinéphile pointu, il assume aussi la parenté avec certains classiques hollywoodiens (ne serait-ce que le vacillement mental de Gloria Swanson dans Boulevard du crépuscule) et on se souvient évidemment qu’il fut un proche de Brisseau, qui cultivait de semblables tropismes et invitait sporadiquement l’étrange et le surnaturel dans son univers initialement naturaliste.

Le double visage de la féminité mise en abyme dans Comme une actrice peut rappeler le duo complémentaire d’Une histoire de France, en quête de réponses à différents égards (sentimentaux, historiques, philosophiques…), tout en se juxtaposant aux figures en déséquilibre imprévu dans Douce ou pleine de force de conviction, autour du motif – périlleux à manier – du hijab, dans Où je mets ma pudeur (prochainement disponible sur Brefcinema).

Et c’est un passage au long plutôt atypique que Sébastien Bailly accomplit, par rapport à la coloration générale des “premiers films” en France, plus de vingt ans après ses premiers courts métrages (les méconnus Si les étoiles exaucent nos vœux et La fille du hasard en 2000, suivis de Villa Corpus, lui aussi déjà présenté sur notre plateforme et qui avait vraiment attiré l’attention pour la première fois sur le réalisateur, en 2005).

Christophe Chauville

À lire aussi :

- Sur le programme Féminins plurielles sorti en mars 2018.

- Un autre passage au long métrage : Le marchand de sable de Steve Achiepo (en salles depuis le 15 février 2023).