En salles 30/10/2022

Cookie’s fortune : Florent Gouëlou du court au long

Nous suivons le parcours de Florent Gouëlou depuis son passage à la Fémis et attendions non sans impatience son premier long métrage, qui sortira le mercredi 9 novembre. Toujours enraciné dans l’univers des drag queens cher au jeune cinéaste, il s’intitule Trois nuits par semaine.

On dirait que tu pèles une banane”, dit Baptiste amusé en observant Cookie Kunty qui ôte ses seins, ses cils, ses ongles, ses fesses, tous faux, de retour d’une performance de drag. Florent Gouëlou filme pour la première fois au naturel la star qui a été la figure centrale de presque tous ses courts métrages. Son premier long métrage joue de la fascination de voir Cookie devenir Quentin et vice-versa, rendant l’un autant que l’autre parfaitement incroyable.

Avec son prénom religieux et son air de curé, Baptiste semble profondément éloigné du milieu du drag qu’il découvre au hasard d’une permanence d’un association de lutte pour la santé sexuelle dispensée par sa compagne interne en médecine (Hafsia Herzi). Il les aborde en observateur d’abord, fasciné par l’irruption de leur bagout irrévérencieux et de leurs tenues extravagantes dans la torpeur du monde réel.

Cookie Kunty, figure star du drag parisien, a doublement changé la vie du réalisateur Florent Gouëlou. Encore étudiant à la Fémis, il assiste à l’une de ses performances qui le fascine tant qu’il intègre cet univers à son film de fin d’études. Un homme mon fils (2017) suit le périple d’un jeune projectionniste opposé, sur la représentation de la masculinité, à son père qui exerce le même métier. Le cinéaste va lui-même se mettre au drag après cette épiphanie et fait une courte apparition sous son pseudo de Javel Habibi dans son long métrage.

Cookie Kunty jouait déjà son propre rôle dans Premier amour (2020). Dans l’espace restreint d’un spectacle et de ses coulisses, il évoque le flétrissement d’un couple dont le drag est devenu le rival amoureux. Cette concentration sur l’espace du show fait du foyer un lieu qui ne semble avoir aucune place dans cette existence de représentation.

Beauty Boys (2020) jouait aussi de cette unité de temps pour montrer la détermination de deux adolescents à profiter d’une scène ouverte dans leur village des Vosges pour se produire en drag malgré la violente opposition du frère de l’un d’eux. Avec un grand sens de l’espace, Florent Gouëlou travaille le petit périmètre de la scène comme un lieu de mise en scène de soi et de mise à nu. Cookie Kunty y apparaît en reine de la nuit, toute apprêtée, revenant sur le lieu de sa jeunesse sur l’invitation de son jeune cousin qui l’adule. La transformation physique des deux garçons s’accompagne d’une audace et d’une virtuosité dans le “voguing” qu’ils ont répété avec acharnement.

Trois nuits par semaine synthétise les sujets et motifs abordés par le cinéaste dans ces deux courts métrages, ajoutant le spectre des violences homophobes qui plane sur Où vont les sons (2021), dans lequel un groupe d’amis se réunit en visioconférence pour raconter des souvenirs d’émotions amoureuses destinés à tirer du coma une amie agressée dans un bus par trois garçons au sortir de l’enfance.

D’égérie inspiratrice apparaissant en ange salvateur, la figure de Cookie s’est complexifiée. Trois nuits par semaine a la finesse de ne pas jouer le monde “réel” contre la scène du drag, en magnifiant les spectacles, mais en dévoilant aussi les dessous économiques et les sacrifices émotionnels. Florent Gouëlou nous fait suivre la verve irrévérencieuse des drags, leur grâce dans des shows de standing très différents, adaptant sa mise en scène aux différentes scènes, le grand podium du concours international ou la minuscule estrade d’une vieille boîte de nuit. Le récit est encadré par l’accrochage de l’exposition que Baptiste consacre à la troupe, devant grâce à son regard sur elle le photographe qu’il avait toujours rêvé.

Raphaëlle Pireyre

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