Cahier critique 18/01/2022

“Beauty Boys” de Florent Gouëlou

À dix-sept ans, dans leur petit village, Léo et ses amis se passionnent pour le maquillage. Cette passion n’est pas au goût de Jules, le grand frère de Léo, qui craint d’être la risée de sa bande de potes. Le soir de la scène ouverte du village, contre l’avis de son frère, Léo monte sur scène habillé en drag-queen.

Léo, dix-sept ans, devant l’Hôtel de Ville, répète la chorégraphie qu’il présentera à la scène ouverte de son village des Vosges, le soir venu. Une danse suggestive, lascive, vite interrompue par son aîné qui lui somme de faire place nette. Le remplacement multiple de cette séquence inaugurale – un membre de la famille par un autre (le grand frère à la place du petit), un art par un autre (la danse par le rap), un motif par une autre (la joie par la violence) – entame le trajet compliqué de Beauty Boys : une déambulation dans les champs et les rues, de nuit, des créatures adolescentes en quête d’expression de soi. Car ce n’est pas simplement une danse que le duo d’amis veut proposer, mais un véritable show “drag”. Ils se métamorphosent tant bien que mal, avec du matériel chiné ici et là, et partent à la rencontre de Cookie Kunty, un personnage déjà au centre du précédent film de Florent Gouëlou, Premier amour, une plongée émouvante et superbe dans un show drag parisien. 

À leur arrivée sur scène, l’organisateur du spectacle du village est surpris : “C’est carnaval ?”. “Non, c’est guérilla…”, répond Léo. La guérilla passe ici par quelque chose de candide, captant l’émotion même des corps que Florent Gouëlou filme découpés dans la nuit. Les maquillages sont étincelants, les cheveux colorés et vifs, et les personnages éclairent les plans de leur assurance feinte alors que le film se renverse dans une seconde partie queer sous l’impulsion sexy et touchante de Cookie Kunty. Rien ne se déroule comme prévu, car une guérilla est forcément imprévisible. Plus qu’une solidarité entre drag-queens, que le film met par ailleurs en scène avec attention, c’est tout le spectre du spectacle qui vient questionner le social : quelles sont les formes de représentation à laquelle il faudrait ou non se soumettre ? 

Reste en mémoire le sourire du petit frère, impossible à faire disparaître. Et cette image : quand deux frangins trinquent autour d’un feu qui brûle dans la nuit, deux traits de maquillage, comme une peinture de paix, viennent sceller le chemin parcouru d’une affirmation de soi, d’une quête d’expression adolescente, pleine d’espoir. Beauty Boys, s’il est un film qui rend hommage à la jeunesse d’aujourd’hui, celle qui peine à explorer sa propre identité, il diffuse une tendresse précieuse et un appétit pour la délicatesse de la liberté. 

Arnaud Hallet 

France, 2020, 18 minutes.
Réalisation et scénario : Florent Gouëlou. Image : Vadim Alsayed. Montage : Louis Richard. Son : Geoffrey Perrier et Matthieu Deniau. Interprétation : Simon Royer, Marvin Dubart, Mathias Houngnikpo, Louise Malek, Cookie Kunty et Hugues Delamarlière. Production : Yukunkun Productions.