Fario : retour(s) aux sources pour Lucie Prost
Le premier long métrage de cette jeune réalisatrice originaire du Jura a été tourné autour d’Ornans, sur les bords de la Loue. Il arrivera dans les salles mercredi prochain, le 23 octobre, sous l’étendard de Paname Distribution.
“Fario” : le titre peut sembler énigmatique, mais désigne la truite fario, une catégorie que l’on retrouve au cœur de ce premier long métrage qui s’intitula justement, au cours de son développement, “les truites”. Celles qui, sauvages, vivent et évoluent dans la Loue, cette rivière méconnue coulant entre Doubs et Jura, en Franche-Comté, et qui attirent l’attention de Léo, originaire du coin et qui travaille comme ingénieur à Berlin, où il mène une vie débordant de fête et d’excès.
Revenu au pays pour signer des papiers de vente de terrains agricoles lui venant de son père décédé – agriculteur acculé par les dettes, ce dernier s’est suicidé –, Léo va rester plus longtemps que prévu, à la fois pour percer le mystère de ces truites étant selon lui en passe de muter, pour cause de dérives environnementales probables, mais aussi parce qu’il retrouve ainsi la jeune Camille, dont il était sans doute jadis amoureux sans se l’avouer (et vice-versa…). Et surtout, Léo se retrouve peut-être lui-même au contact de sa terre natale, trop liée au drame de la disparition de son père qu’il a préféré la fuir pour s’étourdir dans la nuit berlinoise.
Elle-même jurassienne, originaire de Lons-le-Saunier, Lucie Prost avait déjà tourné dans la région deux courts métrages, enracinés dans ce terroir. Les rosiers grimpants, coréalisé avec Julien Marsa (2015, photo ci-dessous), mettait déjà en scène un retour aux sources, celui de Rosalie qui, après une interruption volontaire de grossesse, revenait vers la maison de sa famille, dans son village, et retrouvait ses amis restés là, dont son ex en passe de se marier avec une autre…
Une intrigue qui n’est pas sans évoquer l’univers de Pierric Bailly, auteur – jurassien lui aussi – du Roman de Jim et dont la mélancolie saisissant les personnages est voisine de celle de Rosalie comme de celle de Léo, même si celui-ci, loin de s’étioler, passe bientôt à l’action en suspectant une entreprise locale de polluer la rivière. Le film s’oriente alors vers un suspense politico-écologique plus habituel dans le cinéma américain, mais qui commence aussi à s’imposer chez nous.
Le genre et le jeu avec ses codes étaient déjà une forte tentation dans Va dans les bois (2021), filmé pour sa part dans les paysages montagneux et enneigés du Haut-Jura, à quelques centaines de mètre de la frontière suisse. Sa jeune héroïne Maria, âgée de quinze ans, vit pour sa part en permanence dans le village, même si elle rêve aussi de partir, regardant des vidéos de skaters de Los Angeles sur YouTube.
Le grand voyage, elle le fait pour le moment en rencontrant un inconnu débarqué là pour travailler à des travaux sur sa maison, qui l’intrigue et l’entraîne bientôt dans une aventure qu’elle perçoit comme étant illicite, autour de trafics de contrebande énigmatiques. Elle aussi enquête, en un sens, même si l’étrangeté du récit diffère de celle de Fario, où le merveilleux s’invite, à travers les hallucinations de Léo au contact des truites, qui reflètent d’évidence son désordre intérieur.
Dans le rôle, Finnegan Oldfield trouve sans doute l’une des compositions les plus convaincantes de sa jeune carrière, bien secondé par Megan Northam et Andranic Manet, incontestables valeurs montantes au sein du jeune cinéma français et qui succèdent, devant la caméra de Lucie Prost, à Florence Janas (dans Les rosiers grimpants) et Léonie Souchaud (dans Va dans les bois). Comme une famille d’actrices et d’acteurs dessinant toute une cartographie de territoires à explorer, au sens géographique comme dans la dimension intime du terme.
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- Un entretien vidéo avec Finnegan Oldfield, parrain de la Fête du court métrage 2022.
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- Du court au long : After d’Anthony Lapia, sorti en septembre 2024.