Extrait
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Wesh Rimbaud

Dimitri Lucas

2024 - 15 minutes

France - Fiction

Production : Topshot Films

synopsis

Arthur habite dans une ville de banlieue où tout le monde le surnomme Rimbaud, car il a toujours été un élève brillant. Il vient d’ailleurs d’être admis en hypokhâgne dans un prestigieux lycée où il pensait s’intégrer sans difficulté. Mais au cours d’un examen oral, son accent va trahir ses origines sociales.

Dimitri Lucas

Formé à l'Atelier Scénario de la Fémis, Dimitri Lucas a coécrit avec Amélie Bonnin les version court et long métrage de Partir un jour, achevées respectivement en 2021 et 2025.

Il a aussi été le coscénariste du court métrage de Florence Fauquet Karatéka (2022) et a réalisé en 2024 le sien, Wesh Rimbaud, produit par Top Shot Films, Colors Films et Préludes. Celui-ci est présenté en 2024 dans des festivals aussi emblématiques que Meudon, Brest, Nice et Jean-Carmet, à Moulins.

On doit aussi à Dimitri Lucas le script d'une série produite par Haut et Court TV : Amour Chrome (2023).

Critique

Une finesse d’observation et d’écriture domine Wesh Rimbaud, durant quinze minutes à la réjouissante fluidité formelle. Dimitri Lucas touche dans le mille avec ce court métrage qui l’a fait connaître il y a quelques mois. Coscénariste des fameux Partir un jour, court et long réalisés par sa complice à la plume comme à la ville Amélie Bonnin, l’auteur installe un climat contemporain et périurbain, en jouant des codes et du ciment populaire : là la chanson de variété, ici la littérature. Ce parcours initiatique part en effet de La princesse de Clèves de Madame de La Fayette, en passant par Bérénice de Racine, pour finir sur Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, dans la salle Rabelais de la classe d’hypokhâgne placée au centre du récit. Favorisant les contrastes, le réalisateur y place un joint dès le premier plan, avant de mêler le rap à la musique classique, un train de banlieue, des potes de cité et l’enjeu d’un match de foot.

Wesh Rimbaud, c’est quelques heures dans la vie d’Arthur. Un garçon simple et brillant, volontaire et réfléchi, qui saisit son destin et digère en direct ses émotions et altercations pour mieux s’imposer avec brio et esprit, en usant du canal par lequel il a été visé : la langue, le verbe. Passionnante étude que Dimitri Lucas met en scène, pour raconter les préjugés, la stigmatisation, la condescendance, le déterminisme, l’exclusion, à travers une revisite de la lutte des classes et de l’ascenseur social. Mais en proposant, via le filtre de la fiction, espace de l’image et du son, une réponse par la réconciliation par les mots, grâce à celui qui en a été stigmatisé. L’hybridité est possible, comme le titre du film qui associe le vocable de “téci” et LE poète par excellence. Le protagoniste se distingue par son association singulière, avec son élocution et sa casquette d’un côté, son jean, sa chemise et son pull en col V de l’autre. Habile et déterminé, il incarne le symbole d’une coexistence des territoires, renforcée par le montage alterné sur les visages et les voix déclamant la tirade du duel de Cyrano.

Dans la peau d’Arthur, Victor Bonnel épate. L’acteur est assuré dans sa démarche comme dans son phrasé, avec un sens du rythme et de la pose vocale, dans le doute comme dans l’assurance de son personnage, face à ses “potos”, à son professeur, ou à l’ex jeune première marseillaise rencontrée sur un banc. Le cinéaste propose avec générosité une réconciliation sociétale dans son geste cinématographique. Sans angélisme, mais avec malice. Et sans cynisme, car la moquerie méprisante de l’enseignant se retrouve retournée contre elle-même, à la faveur d’un goût commun pour la joute verbale. Les coutures formelles sont maîtrisées avec justesse pour ne pas jouer l’ostentatoire, laissant la pertinence narrative s’épanouir sans forcer. Cette intelligence du regard déjoue les diabolisations médiatiques. Point de sensationnalisme : l’ironie communicative devient le fer de lance d’un humour inclusif et salvateur.

Olivier Pélisson

Réalisation et scénario: Dimitri Lucas. Image : Raphaël Vandenbussche. Montage : Alexis Noël. Son : Rémi Chanaud. Musique originale : Léonardo Dessi. Interprétation : Victor Bonnel, Louis-Do De Lencquesaing et Brigitte Masure. Production : Topshot Films.

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