Extrait
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Vihta

François Bierry

2018 - 20 minutes

France, Belgique - Fiction

Production : Offshore

synopsis

Serge et ses quatre collègues sont salariés d’une petite entreprise, fraîchement rachetée par un grand groupe. Comme cadeau de bienvenue, ils sont conviés par leur nouvel employeur à une journée détente dans un centre thermal.

François Bierry

François Bierry est né en 1981. Après des études de droit à Strasbourg, il rentre à l’IAD (Institut des Arts de Diffusion) en Belgique. Scénariste et réalisateur pour la télévision belge, il réalise son premier court métrage, Solo Rex, en 2014. Le film rencontre un grand succès en festivals, où il remporte de nombreux prix.

Son œuvre suivante, Vihta, connaît à son tour un beau succès en 2018, distingué notamment du Prix spécial du jury au Festival de Clermont-Ferrand. Un documentaire de 52 minutes tourné au Rwanda, Les cornes de la vache, suit en 2019.

François Bierry développe actuellement son premier long métrage de fiction : Seuls les poissons.

Critique

Assis dans un bus quasi vide qui s’avance au milieu d’un de ces paysages ruraux et pluvieux du plat pays, peuplé d’éoliennes, cinq passagers ignorent à quelle sauce ils vont être mangés. Entre incrédulité et accablement, nous les voyons forcés d’assister aux gesticulations de leur chef qui, micro en main comme au karaoké, s’improvise monsieur Loyal. Sa société de tracteurs a été rachetée par un grand groupe et le nouvel investisseur tient à offrir aux employés un week-end de bienvenue. Au programme, de belles valeurs : “partage, rencontre, émotion”. C’est peu dire pour qualifier l’ambiance qui les attend dans le décor, plus scandinave que belge, d’un spa naturiste. Une rumeur de plan de restructuration se répand dans les rangs. Et si, sous couvert de bien-être, il s’agissait là d’un test ultime à la Battle Royale pour prouver sa valeur dans l’entreprise et virer ceux qui refuseront de se prêter au jeu de la nudité ? 

Pour son deuxième court métrage, François Bierry, cinéaste français formé à l’IAD de Bruxelles, s’intéresse à la perversion des techniques de management contemporain à travers une idée de mise en scène simple et efficace : se mettre à poil pour ne pas finir à poil… Ce suspense sur les licenciements ne sera pas levé et le scénario de Vihta peut alors s’articuler autour de cette ambiguïté, et sa série de gags loufoques se dérouler à partir des spéculations et stratégies qui s’ensuivent. Le décor du petit paradis thermal nordique et son évocation de la sérénité se superposent à l’arrière-plan de la compétition professionnelle, au stress généré par le potentiel licenciement. La paranoïa bouillonne dans le jacuzzi, un esprit de menace plane dans les thermes. Le film décortique cette obsession pour l’épanouissement forcené, pour le bonheur au travail, au détriment de la tâche accomplie par les travailleurs. Un mantra moqué par des dialogues directs et hilarants en peignoir de bain. “Alors Serge, vous êtes heureux ? - Mais je répare des tracteurs... - Mais vous êtes heureux ? Ça vous construit ?” Derrière l’humour, le traitement de la nudité traduit bien la violence sociale et puérile que ces méthodes exercent en touchant ainsi à l’intime. Vihta, qui signifie en finlandais le “fouet du bain”, chapeaute très clairement ces intentions. 

Parmi les principales ressources comiques du film, on compte les comédiens : Wim Willaert, qui tenait déjà le rôle principal de Solo Rex (2014), est formidable, pétri de gêne et d’accablement avant sa ruade finale digne d’un grand soir au sauna. Jérémie Petrus rappelle le Michel Blanc des grandes heures du Splendid. Jean-Benoît Ugeux, complice cinéaste, et acteur que l’on peut apercevoir en ce moment dans le Rien à foutre d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre, est parfait en gourou-chef d’entreprise béat, tout rougi par la vapeur d’eau. 

Autre ingrédient essentiel de son humour, François Bierry ne lésine pas sur un usage grandiloquent de la musique. Les “Danses hongroises” de Brahms et des airs triomphants évoquant le western viennent donner de l’ampleur au décalage à l’œuvre dans des séquences improbables. Les compositions de plan géométriques, minutieusement graphiques, portées par des couleurs très vives, évoquent celles de Tati ou de Wes Anderson. Le tout s’inscrit dans un esprit proche de la bande-dessinée, qui n’est pas sans évoquer les sketches du Zaï Zaï Zaï Zaï de Fabcaro, dont l’adaptation cinématographique est sortie en salles en 2022. 

Cloé Tralci 

­Réalisation et scénario : François Bierry. Image : Fiona Braillon. Montage : Émilie Morier. Son : Bruno Schweisguth, François Dumont. Musique originale : Manuel Roland. Interprétation : Wim Willaert, Jean-Benoît Ugeux, Olivier Bonjour, Sophia Leboutte, Jérémie Petrus et Dinara Droukarova. Production : Offshore.

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