Extrait
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Une pute et un poussin

Clément Michel

2008 - 16 minutes

France - Fiction

Production : Sombrero Films

synopsis

Louise est perdue au beau milieu de nulle part. À un arrêt de bus totalement improbable, elle rencontre un jeune homme costumé en gros poussin qui pédale péniblement sur une bicyclette rouillée. Une rencontre tendre et loufoque entre deux petits oiseaux paumés qui vont faire un bout de chemin ensemble.

Clément Michel

Né en 1974, Clément Michel est à la fois acteur, réalisateur et scénariste. Il a travaillé à la fois pour le théâtre, le cinéma et la télévision, sur le format de séries ou d'unitaires.

Sa première pièce, Le carton, a été montée en 2001, remportant un énorme succès. Début de fin de soiréeLe grand bain, Une semaine... pas plus, Addition et Père ou fils devaient suivre sur le volet de son activité scénique.

En tant que réalisateur, il a signé un premier court métrage en 2008, Bébé, avant de connaître un ample succès avec Une pute et un poussin, conçu dans le cadre d'une Collection des programmes Courts & créations de Canal+. Il y partage l'affiche avec la chanteuse Yelle et remportera de nombreux prix de festivals pour ce film, notamment le Grand prix du Festival cinéma d'Alès Itinérances en 2010. Il sera aussi nommé aux César en 2011.

Son premier long métrage, La stratégie de la poussette, débarque dans les salles au tout début janvier 2013. Il réunit notamment à son générique Charlotte Le Bon, Raphaël personnaz, Jérôme Commandeur, Camélia Jordana et Julie Ferrier.

Clément Michel se consacre alors à la série En famille – à savoir les saisons 3 à 9 – avant de sengager sur un nouveau long métrage, Noël joyeux, qui est distribué au cinéma en décembre 2023, avec Franck Dubosc et Emmanuelle Devos comme têtes d'affiche. 

Il a aussi signé en 2023 un téléfilm diffusé sur TF1 : Les yeux grands fermés.

Critique

Créée en 2003 et proposant chaque année une thématique renouvelée, la Collection de Canal+ a marqué de son empreinte la décennie qui s’ouvrait alors et sa septième édition, en 2009, invitait cinéastes et scénaristes à plancher – pour une seconde année consécutive – sur le motif d’“Écrire pour un chanteur”. Ou une chanteuse, naturellement… Le “casting” de ce millésime réunissait ainsi Akhenaton, Arthur H., Julien Doré, Juliette, Elli Medeiros, Miossec et Yelle.

Cette dernière avait sorti son premier album, Pop Up, en 2007, après avoir été révélée avec le single Je veux te voir, qui répondait au tropisme trop ancré de la plupart des groupes de rap de proférer des propos machistes dans leurs morceaux. Le récit imaginé par Clément Michel pour la filmer faisait donc écho à ce trait de caractère volontiers féministe, bien avant #MeToo, en luttant avec drôlerie contre les préjugés sexistes.

Quand on découvre son personnage, qui vient de se faire littéralement éjecter d’une voiture sur une route de campagne au petit matin, le procédé du regard caméra est d’ailleurs directement convoqué. La jeune femme en jupe courte, aux ostentatoires boucles d’oreille et au maquillage surligné, qui se retrouve ainsi lâchée au milieu de nulle part enrage et lâche à l’adresse au spectateur : “Faut arrêter de me traiter comme une pute !”.

L’enjeu est établi d’emblée, renvoyant aux clichés découlant aisément du regard masculin – on ne parlait pas encore de male gaze. Que ce soit celui d’un jogger de passage, beauf ordinaire, ou d’un insolite cycliste, bon bougre pour sa part et assez ridiculement costumé en… poussin ! Clément Michel, scénariste et réalisateur, déjà connu pour ses pièces de théâtre comiques, l’incarnait et jouait habilement d’une courte durée pour donner corps et vie à une brève rencontre, plutôt tendre (la jeune femme appelle “poussin” cet inconnu qui lui vient en aide gentiment, non sans maladresses…) et effleurant les codes de la romcom, lointainement nourris par le mètre-étalon Pretty Woman, dont l’héroïne campée par Julia Roberts était justement une prostituée.

Pour cette rencontre imprévue, la mise en scène s’appuie sur son paysage de campagne déserte, le long de départementales normandes, où surgit un improbable arrêt de bus avec banc. Ce décor sert idéalement les mouvements de cette grande bringue prénommée Louise (comme on l’apprendra finalement), perchée sur ses talons et transie dans sa tenue de sortie devenue inadaptée aux frimas de l’aurore.

La dérision discrète, naturelle, apportée par la chanteuse donne un capital de sympathie manifeste à son personnage, même si l’on n’est pas forcé de cautionner à 100% le dernier plan, supposé laconique et entraînant en fait l’histoire vers le registre un peu facile du film à chute.

Par la suite, Yelle devait renouveler l’expérience de la fiction avec un autre court métrage, La musique à l’eau de Claude Duty (2017), également une chronique d’éphémères croisements entre inconnus.

Christophe Chauville

Réalisation et scénario : Clément Michel. Image : Steeven Petitteville. Montage : Julie Dupré. Son : David Rit, Sandy Notarianni et Emmanuel Croset. Musique originale : 7 Questions. Interprétation : Yelle, Clément Michel et Renaud Benoist. Production : Sombrero Films.