2004 - 9 minutes
France - Animation
Production : Strapontin
synopsis
Un homme, seul, avec sa particularité physique : celle d’avoir la tête basculée en avant, le regard vers le sol. Difficile de rencontrer la voisine avec pareil handicap… et pourtant…
biographie
Jérémy Clapin
Jérémy Clapin est né le 13 février 1974 à Paris. Il étudie à l'École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris et obtient son diplôme en 1999. Après avoir travaillé comme graphiste, illustrateur, animateur et réalisateur de pub, il réalise son premier court métrage d’animation, Une histoire vertébrale en 2004, puis Skhizein en 2008 et enfin Palmipedarium en 2012. Ses films rencontrent un fort succès dans les festivals et y remportent de nombreux prix.
Son premier long métrage, J’ai perdu mon corps, est à son tour couronné de succès en 2019, obtenant le Grand prix Nespresso de la Semaine de la critique, à Cannes, puis le Cristal du long métrage et le Prix du public au Festival d'Annecy. Cette adaptation du roman de Guillaume Laurant Happy Hands, produite par Marc du Pontavice pour Xilam, décroche l'année suivante le César du meilleur film d'animation et celui de la meilleure musique originale, avant de se voir nommé aux Oscars outre-Atlantique.
Jérémy Clapin décide alors de se tourner vers la prise de vues réelle, à travers Pendant ce temps sur Terre. Ce film de science-fiction qui comporte quelques passages animés est distribué au cinéma en France début juillet 2024, après avoir été présenté au Festival de Berlin. La jeune Megan Northam en tient le rôle principal, tandis que le réalisateur collabore de nouveau avec Dan Levy du côté de la musique.
Critique
Avec Une histoire vertébrale, Jérémy Clapin, alors fraîchement émoulu de l’Ensad, intégrait à sa démarche artistique un questionnement sur le point de vue, inhérent à la position de tout réalisateur de cinéma, quel que soit son terrain d’expression.
La notion clé d’angle et de champ de vision qui structure son film s’attache d’emblée à l’anatomie des personnages sortis de son imaginaire, dont les graphismes 2D ronds et doux sont proches de la bande dessinée pour la jeunesse. La petite histoire prétend du reste que le héros du film serait né d’un dessin raté et, avec son cou en équerre – ce que des radios reçues par courrier confirment à son grand désespoir –, celui-ci avance, l’occiput droit devant, avec le regard porté en plongée vers le sol. Ce que nous comprenons directement, comme à travers une caméra subjective braquée sur ses pieds. Mais le projet n’est pas voué, dans sa globalité, à une expérimentation qui confondrait notre regard avec celui de l’infortuné bonhomme, à la manière du mètre étalon en la matière, La dame du lac de Robert Montgomery (1947), et ce regard se démultiplie, en même temps que la narration, sur les efforts que le quidam bossu déploie pour trouver l’âme sœur.
Comme dans toute comédie romantique qui se respecte, nul besoin de chercher bien loin : la voisine du dessous est affligée d’un handicap de même nature, si ce n’est que ses 90° de perpendicularité de la nuque la font au contraire avoir la tête dans les nuages et regarder les étoiles, d’où un autre point de vue subjectif, exactement opposé et induisant des soucis spécifiques dans la vie domestique…
Évidemment, l’intuition commune qui formate notre esprit humain depuis l’enfance en se traduisant par une naturelle faculté à l’imbrication des formes, laisse très vite entrevoir le tendre dénouement, ce que l’écriture s’attache toutefois malicieusement à retarder, à la faveur d’un gag hilarant jetant un pavé dans le jardin bien tenu du film sentimental où chacun cherche et trouve toujours sa chacune.
Il n’est pas si facile, en amour, de se voir vraiment, cela se mérite et les charmants “freaks” de Clapin parviennent à donner une morale à la fable. On est d’ailleurs aussi proche de la “monstrueuse parade” que de la romance hollywoodienne, qui inspire la quête du héros rêvant devant les affiches glamour qui s’étalent au fronton de la salle de cinéma située en face de chez lui. La composition originale inspirée (signée Nicolas Martin), avec ses accents à la Nino Rota, incline une dimension nostalgique qui n’est jamais contradictoire avec la pointe d’ironie affleurant souvent vis-à-vis des codes du genre : le rapprochement sera permis, comme chez Disney, grâce à de petits animaux de compagnie, en l’occurrence un serin échappé de sa cage et un chien en forme de saucisse !
Avec cette Histoire vertébrale distinguée en son temps de plusieurs récompenses, dont le Prix spécial du jury à Hiroshima en 2006, Jérémy Clapin s’arrimait aux bons rails pour affirmer davantage d’ambition, dans la forme comme dans l’écriture, et approfondir, à travers son éblouissant Skhizein, en 2008, certains de ses thèmes de prédilection : la solitude et le décalage avec la société, métaphorisé par un rapport particulier à l’espace. Des préoccupations d’auteur alors déjà affirmées.
Christophe Chauville
Réalisation, scénario et image : Jérémy Clapin. Montage : Jérémy Clapin et Stéphane Piera. Animation : Jérémy Clapin, Christophe Guayroso et Jérôme Florencie. Son : Éric Lonni. Musique originale : Nicolas Martin. Production : Strapontin.