Extrait
Partager sur facebook Partager sur twitter

Un couteau dans les fourchettes

Alain Gagnol, Jean-Loup Felicioli

1999 - 4 minutes

France - Animation

Production : Folimage

synopsis

Un homme découvre avec stupeur que sa femme a malencontreusement rangé un couteau avec les fourchettes. Il veut lui faire constater son erreur mais ce serait encore mieux si elle se rendait compte elle-même de sa faute. Mais le temps passe et le couteau reste comme un défi au milieu des fourchettes. Peut-être l’a-t-elle fait volontairement ?

Alain Gagnol

Alain Gagnol est né le 13 mai 1967 à Roanne (Loire). Romancier, scénariste et réalisateur de cinéma d'animation, il est passé par l'école Émile-Cohl, à Lyon, avant de travailler comme animateur aux studios Folimage à partir de 1988.

Il collabore pour la première fois avec Alain Gagnol sur L'égoïste (1996), avant une série conçue à quatre mains pour Arte et Canal+ tout à la fois : Les tragédies minuscules. Un couteau dans les fourchettes (1999) en fait partie.

Le duo poursuit sa collaboration sur Le nez à la fenêtre (2001), Le couloir (2005) et Mauvais temps (2006). Leur premier long métrage, Une vie de chat (2010), est un succès, obtenant même une nomination aux Oscars.

Le suivant, Phantom Boy, sort en 2015, tandis que les deux réalisateurs reviennent parallèlement au format court par le biais du polar Un plan d'enfer (2015), suivi du Chat qui pleure en 2018.

Alain Gagnol signe en solo un court métrage en prises de vue réelle en 2019 : La solitude est un animal de compagnie.

En 2023 sort un nouveau long métrage du tandem Felicioli-Gagnol, à l'attention des jeunes audiences : Nina et le secret du hérisson

Gagnol a également coécrit Sirocco et le royaume des courants d'air de Benoît Chieux, dont la sortie en salles en France est fixée au 13 décembre prochain.

Jean-Loup Felicioli

Neé le 18 juillet 1960 à Albertville (Savoie), Jean-Loup Felicioli a étudié aux Arts décoratifs de Strasbourg, puis aux Beaux-Arts à Annecy et à Perpignan, avant de travailler dans un atelier de restauration à Valence et de pratiquer la sculpture, la peinture et la réalisation. Il se rapproche ainsi des studios Folimage, d'abord comme animateur, puis en tant que réalisateur, à travers un premier court métrage d'une durée de deux minutes, utilisant la pâte à modeler, en 1989 : Sculpture/sculptures. Une nomination au César du meilleur court métrage d'animation salue ce coup d'essai.

En 1992, il coréalise avec Jacques-Rémy Girerd un court métrage appelé à un beau succès : Le Wall. Il travaille ensuite pour la première fois avec Alain Gagnol sur L'égoïste (1996), avant une série conçue à quatre mains pour Canal+ : Les tragédies minuscules. Un couteau dans les fourchettes (2000) en fait partie.

Le duo poursuit sa collaboration sur Le nez à la fenêtre (2001), Le couloir (2005) et Mauvais temps (2006). Leur premier long métrage, Une vie de chat (2010), est un succès, obtenant même une nomination aux Oscars.

Le suivant, Phantom Boy, sort en 2015, tandis que les deux réalisateurs reviennent parallèlement au format court par le biais du polar Un plan d'enfer (2015), suivi du Chat qui pleure en 2018.

En 2023 sort un nouveau long métrage à l'attention des jeunes audiences : Nina et le secret du hérisson.

Jean-Loup Felicioli a été également crédité comme directeur artistique sur La prophétie des grenouilles, de Jacques-Rémy Girerd, en 2003.

Critique

À la fin des années 1990, Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli réalisent une série de dix courts métrages intitulée Les tragédies minuscules, dont est issu le film Un couteau dans les fourchettes. À l’époque, le duo s’est déjà fait remarquer avec L’égoïste, récit mi-grotesque, mi-cruel d’un homme ayant élevé l’égoïsme à un rang si élevé qu’il exige de sa compagne qu’elle lui ressemble trait pour trait… et coûte que coûte. On y retrouve l’esthétisme si singulier de Felicioli (formes angulaires, visages cubistes, jeu sur les perspectives…) et l’humour noir de Gagnol, à travers une voix-off au second degré savoureusement caustique.

Dans le même esprit, Un couteau dans les fourchettes raconte un micro-événement du quotidien (littéralement, un couteau rangé dans le bac des fourchettes) qui tourne à l’obsession maladive, faisant craindre au spectateur un basculement dans la violence. Dès l’ouverture, les deux auteurs ont recours aux motifs du polar, genre qu’ils affectionnent particulièrement, via une musique qui évoque immédiatement une sensation de suspense et de danger, renforcée par le miaulement inquiétant du chat, et la situation de vulnérabilité du personnage féminin, en équilibre devant une fenêtre.

L’intrigue, pourtant, est purement domestique : la femme nettoie les vitres, l’homme essuie la vaisselle. Et c’est une erreur de rangement qui sert d’élément déclencheur à la tragédie (minuscule) qui suit. Le monologue intérieur du personnage, interprété avec emphase par le comédien Bernard Bouillon tranche avec la banalité de la situation, tout comme sa réaction, soulignée par des effets de mise en scène : plan rapproché sur ses yeux qui semblent envahir l’écran, ou sur la manière dont il apparaît de trois-quarts, menaçant, un couteau à la main ; silhouette qui se faufile et se coule dans le décor pour mieux épier sa compagne ; dédoublement fantomatique… Les ombres, également, participent à créer une atmosphère quasi expressionniste de film noir, renforçant à la fois la tension et le décalage entre les enjeux réels et le traitement qui en est fait. Un simple écart dans la routine du quotidien suffit à dérégler les émotions du narrateur, qui s’échappent en flots incontrôlables et disproportionnés. Jusqu’à la vengeance finale, explosion grotesque qui accentue l’absurdité de la situation, et se moque à la fois de la mesquinerie et de la lâcheté humaines.

Noirceur, humour, suspense… On retrouve déjà les motifs récurrents des films à venir de Gagnol et Felicioli qui, combinés à chaque fois sous une forme différente, créent l’étrangeté anxiogène du Couloir (2005), l’inquiétude énigmatique de Mauvais temps (2006), la poésie ludique d’Une vie de chat (2010) ou encore l’ancrage contemporain de Nina et le secret du hérisson (2023). Le trait porte lui aussi en germe le style visuel atypique du duo, avec ses décors géométriques (Jean-Loup Felicioli n’a pas son pareil pour dessiner les immeubles et les toits de Paris), ses personnages élancés tout droit sortis de chez Modigliani, ses dialogues entre ombres et lumières. Si la tragédie contée était alors véritablement minuscule, le talent, lui, était déjà bien visible. 

Marie-Pauline Mollaret

Réalisation : Jean-Loup Felicioli et Alain Gagnol. Scénario : Alain Gagnol. Image : Patrick Tallaron. Montage : Hervé Guichard. Son : Loïc Burkhardt. Musique originale : Serge Besset. Voix : Bernard Bouillon. Production : Folimage.

À retrouver dans

Focus sur...

Thématiques