Extrait
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Tous à table

Ursula Meier

2001 - 31 minutes

France - Fiction

Production : Need Productions

synopsis

Des amis se retrouvent à un dîner d’anniversaire. C’est la fin du repas. L’ambiance est très animée. C’est alors qu’une devinette est posée. Pas question de quitter la table.

Ursula Meier

Née à Besançon en 1971. De nationalité franco-suisse, Ursula Meier suit des études de cinéma en section réalisation de 1990 à 1994 à l’Institut des arts de diffusion (IAD), en Belgique, où elle obtient son diplôme avec “grande distinction”.

Le succès de son court métrage de fin d’études Le songe d’Isaac, puis celui Des heures sans sommeil (Prix spécial du Jury au Festival de Clermont-Ferrand et Grand prix international au Festival de Toronto en 1998), lui permet de se consacrer à ses projets de réalisation, tout en travaillant parallèlement comme seconde assistante sur deux films d’Alain Tanner (Fourbi et Jonas et Lila, à demain). En 2001, elle réalise Tous à table (Prix du public, de la presse et Prix Recherche au Festival de Clermont-Ferrand 2001).

L’accueil enthousiaste de ses films vaut à la cinéaste une reconnaissance élargie. Elle est alors choisie pour participer à la collection de téléfilms Arte Masculin Féminin tournés en vidéo. C’est dans ce cadre qu’en 2002 elle réalise son premier long métrage, Des épaules solides, qui fait le tour du monde des festivals.

En 2008 sort Home au cinéma, avec Isabelle Huppert et Olivier Gourmet. Le film est plusieurs fois distingué et elle remporte avec son long métrage suivant, L’enfant d’en haut, l’Ours d’argent (mention spéciale du jury) à la Berlinale 2012 ; il est aussi élu meilleur film suisse de 2012 et nommé aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger.

En 2014, Ursula Meier revient au court en participant au film collectif Les ponts de Sarajevo, et signe l'année suivante un court documentaire, Kacey Mottet Klein, naissance d’un acteur, dédié à ce jeune acteur ayant notamment joué dans Home et L’enfant d’en haut. Le duo se reforme en 2018 grâce à un film pour la collection “Ondes de choc” de la Télévision suisse romande : Journal de ma tête, présenté en Panorama à la Berlinale.

En 2022, elle revient au cinéma, avec un nouveau long métrage, La ligne, qui est interprété par Valeria Bruni Tedeschi, Stéphanie Blanchoud, Benjamin Biolay et India Hair.

Critique

Le parcours d’Ursula Meier présente, parmi toutes ses singularités, de fréquents retours vers le court entre deux longs métrages – avec succès, d’ailleurs. Il s’est également construit, avant même Home (2008), sur plusieurs œuvres fondatrices, dont Tous à table que l’on peut sans l’ombre d’un doute inscrire au rang des classiques européens de la production courte de ce début de siècle.

Le film aura ainsi reçu en 2001 les Prix de la presse, du public et de la recherche au Festival de Clermont-Ferrand, le Pardino d’argent et le Prix du jury jeune à Locarno, le Prix du public à Bruxelles. Précisons que le tournage et le montage du film avaient été séparés de plusieurs années et qu’il avait été entrepris en exact contrepoint du précédent de la jeune réalisatrice, son impressionnant Songe d’Isaac, travail de fin d’études formel et épuré.

Avec Tous à table, il était question, à l’inverse, de multiplier les personnages – douze amis autour d’une table, fêtant l’anniversaire d’un des leurs – et de faire passer de l’un à l’autre le point de vue, en quittant volontairement toute position de maîtrise pour mieux jouer avec un recours possible à l’improvisation, médiatisée par une caméra à l’épaule se mouvant au milieu d’une avalanche de dialogues, de cris, de pleurs, de confusion souvent. Le choix d’utilisation du 35 mm avait pour corollaire celui d’un noir et blanc à grain marqué, ce qui donna un style affirmé à l’expérience, dont la narration relève un défi peu banal, lié à la résolution d’une devinette lancée à la cantonade, quand un repas arrosé dérive vers le passage obligé des blagues et anecdotes.

L’énigme alors proposée aux convives – et aux spectateurs – sert évidemment de prétexte : son absurdité engendre un mystère impossible à percer et les nerfs sont peu à peu mis à rude épreuve. Les secrets s’éventent et les comptes se règlent de façon cinglante, dans une atmosphère dorénavant plombée. Devant un tel jeu de massacre, la nature du lien amical ou amoureux se voit sévèrement relativisée. On pense fugacement à Festen, sur une autre tonalité, sachant qu’Ursula Meier ne s’en est aucunement inspirée, son film ayant été mis en boîte bien avant celui de Thomas Vinterberg, qui avait secoué la Croisette en 1998.

La conclusion du film, qui confie la solution de la fameuse devinette à une séquence animée par Vincent Patar et Stéphane Aubier, alors pas encore lancés dans l’aventure de Panique au village, apporte une note d’espièglerie plus légère, mais sans se départir du goût de l’absurde d’une artiste assez imprévisible et excellant à explorer la notion de borderline, de la limite au sens large.

Christophe Chauville

Réalisation et scénario : Ursula Meier. Image : Tommaso Fiorilli. Animation : Stéphane Aubier et Vincent Patar. Montage : Julie Brenta. Son : Philippe Vandendriessche, Marc Bastien et Franco Piscopo. Décors : Suzanne Giovanni et Cleïla Colao. Interprétation : Stéphane Auberghen, Philip Busby, Anne Carpriau, Laurence Vielle, Joëlle Waterkeyn, Circée Lethem, Bernard Breuse, Sabrina Leurquin, Magali Pinglaut, Georges Saint-Yves, Bernard Sens et Jean Vercheval. Production : Need Productions et PCT Cinéma Télévision.

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