Extrait
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The Nightwalk

Adriano Valerio

2020 - 15 minutes

France, Italie - Documentaire

Production : Sayonara Films et Films Grand Huit

synopsis

Jarvis vient de déménager à Shanghai, quand il est soudainement confiné dans son appartement encore vide. Il a du mal à gérer la solitude, il plonge dans des pensées très sombres et dans un état de profonde anxiété. La seule façon de se sauver de ses cauchemars est de s’échapper et traverser la ville déserte pour rejoindre la maison d’un ami.

Adriano Valerio

Né en 1977 à Milan (Italie), Adriano Valerio y étudie la jurisprudence – à l’Université nationale, où il rédige une thèse sur crime d’état et outrage religieux dans le cinéma italien, avant de suivre des études de cinéma sous la direction de Marco Bellocchio.

Il finit par s’installer à Paris où il suit un Master en Beaux-Arts à l’École internationale de création udiovisuelle et de réalisation (EICAR). Il y enseigne désormais la réalisation et l’analyse de films.

Il est collaborateur de l’Institut Marangoni, de l’Académie libanaise des Beaux-arts de Beyrouth, ainsi que de l’Institut culturel italien de Paris et a participé au Talent Campus de la Berlinale et à l’Académie du Festival de Locarno.

En 2013, son court métrage 37°4 S remporte la Mention spéciale du jury au Festival de Cannes. Il reçoit également en 2016 une mention spéciale au Festival de Venise avec Agosto.

Il passe en parallèle au long métrage avec Banat, présenté à la Semaine de la critique et à Venise, obtenant une nomination aux David de Donatello en tant que meilleur réalisateur émergent.

Depuis, il poursuit sur le format du court métrage avec, notamment, Mon mour, mon ami (2017), Les aigles de Carthage (2020), The Nightwalk (2021) et Calcutta 4 : 10 AM (2022).

En 2023 sort son second long métrage, Casablanca, qui poursuit le récit de Mon amour, mon ami autour de la relation de Fouad, immigré marocain en Italie, et Daniela, ex-toxicomane.

Critique

Lors d’un échange universitaire, Jarvis découvre l’exotisme et les aspérités de la Chine. On discerne les quartiers effervescents de Shanghai, l’inextricable flux de la vie nocturne, mais aussi le caractère étrangement familier des tours de béton et des néons mélancoliques. C’est dans une voix-off lancinante que celui-ci confie, comme pour tromper un spleen déjà naissant : “Je voulais partir, où que ce soit…”.

Inspiré par les récits en forme de roman-photo, proche de la poésie sombre et éthérée d’un Chris Marker (Sans soleil, 1983), le récit voit la fête galvanisante des nouveaux départs laisser peu à peu la place à des visions apocalyptiques et terrifiantes : des camions enfumant la ville de produits sanitaires, l’évidement des carrefours ou les denrées alimentaires qui s’amenuisent. Au printemps 2020, Jarvis fait l’expérience écrasante du confinement chinois, strict et torturant, dû à l’émergence du Covid-19.

Ce point de vue figé, documentaire et expérimental, permet l’arrêt sur image, et c’est cette suspension que traverse le personnage via l’isolement contraint, une absence de mouvement, une interdiction de déplacement. Cette mise en scène de la fixité infuse le reste du récit qui se repose sur un rythme (empêché), que le réalisateur Adriano Valerio tente d’affronter avec des images animées, dont celles provenant d’autres longs métrages, notamment de Quelle heure est-il d’Ettore Scola (1989), film sur l’incommunicabilité, ou encore des œuvres burlesques de Buster Keaton. Le confinement serait comme un espace-temps destiné à l’introspection et à la résurgence des souvenirs, se manifestant à travers un empilement d’archives familiales qui auraient l’effet d’un journal de bord, mais sans chapitrage.

The Nightwalk pourrait également s’apparenter à une méditation sur la solitude et la beauté pouvant résider dans le chaos des grandes agglomérations, faisant écho à un autre court métrage du réalisateur, Calcutta 8:40 am (2022), à la narration nerveuse dans les méandres de la jungle urbaine. Ici, les vues de la ville défilent avec un sentiment atmosphérique prégnant comme dans les films romantico-fantasmés de Wong Kar-wai, notamment à travers la figure floue et évanescente de Lin.

Après 37°4 S (2013) et Mon amour, mon ami (2017), Valerio prolonge une filmographie cosmopolite et internationale, avec les flux des êtres, souvent seuls ou dans l’incompréhension de ce qui les entoure, et séparés par d’importantes distances. Néanmoins, de dehors, depuis une autre perspective, une ville vide peut aussi prendre les contours d’un havre réconfortant.

William Le Personnic

Réalisation : Adriano Valerio. Scénario : Adriano Valerio et Francesco Fioretto. Image : Francesco Fioretto et Olivier Dressen. Montage : Julien Perrin. Son : Enrico Ascoli et Matteo Milani. Musique originale : Enrico Ascoli. Production : Sayonara Films et Films Grand Huit.

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