
2019 - 37 minutes
France - Fiction
Production : Agat Films & Cie.
synopsis
Aathi, homme de main solitaire et dévoué, travaille dans une épicerie le jour et conduit des clandestins la nuit pour le compte de Monsieur, parrain de la mafia tamoule de Paris. Aathi n’a jamais pensé qu’au devoir... jusqu’à ce que sa route croise celle de Minnale, une clandestine livrée à elle-même.
biographie
Lawrence Valin
Né en 1989 à Neuilly-sur-Seine et passé par l'atelier de théâtre de Blanche Salant, Lawrence Valin a débuté au cinéma en tant que comédien, trouvant de petits rôles dans Le beau monde de Julie Lopes-Curval (2014), Lola Pater de Nadir Moknèche (2016) et Amanda de Mikhaël Hers (2018), entre autres.
Il a intégré le programme de la Résidence de la Fémis et y a réalisé en 2017 Little Jaffna, qu'il interpréta également aux côtés d'Antonythasan Jesuthasan, l'acteur principal de Dheepan de Jacques Audiard.
Il tenait aussi le premier rôle, en 2019, de son moyen métrage The Loyal Man, qui dépeint une romance, dans le milieu de la mafia tamoule de Paris, entre un homme de main et une clandestine. Le film lui valut en 2020 le Prix Adami d'interprétation masculine au Festival de Clermont-Ferrand, où il avait été présenté en compétition nationale, avant d'être diffusé sur Canal+.
Lawrence Valin s'attelait alors, accompagné par le Groupe Ouest, au développement de son premier long métrage, également intitulé Little Jaffna et qui s'intéresse à son tour, sur un registre de polar, à la communauté tamoule de Paris. Doublement récompensé du Prix du jury et du Prix du public au Festival Reims Polar, le film est distribué au printemps 2025.
Critique
Une voiture roule dans la nuit, et l’éclairage de ses phares délimite un ruban de bitume, ou plutôt d’un chemin caillassé. Et la voix off du personnage principal se fait entendre, comme de l’au-delà… Le plan aérien qui ouvre The Loyal Man annonce la tonalité de ce moyen métrage, tourné en format Scope et assumant d’entrée de s’inscrire dans une tradition volontiers scorsésienne. Nous ne sommes pas dans le désert des environs de Las Vegas, cependant, mais bien dans une zone industrielle lépreuse de la périphérie parisienne.
The Loyal Man, qui avait valu au réalisateur et acteur Lawrence Valin le Prix Adami d'interprétation masculine au dernier Festival de Clermont-Ferrand, est un film noir assez atypique, qui entraîne dans des quartiers de la capitale rarement montrés à l’écran, à savoir ceux qui rassemblent les communautés issues des différentes parties du sous-continent indien, non loin de la rue du Faubourg Saint-Martin et de ses alentours. Son personnage principal, Aathi, travaille en journée dans une épicerie et qui, en homme de main docile envers un parrain de la mafia tamoule (respectueusement surnommé “Monsieur” et interprété par Antonythasan Jesuthasan, intense comédien découvert dans le rôle-titre de Dheepan de Jacques Audiard), escorte chaque nuit des migrants illégaux.
La rencontre de Minnale, une clandestine isolée, bouleverse sa routine et toute son existence, le film trouvant alors son équilibre entre une possible romance, empêchée d’éclore et émergeant dans le silence (et même dans l’impossibilité de se regarder, voir le plan des deux jeunes gens marchant côte à côte), et un registre de thriller urbain inattendu. Les sentiments sont intériorisés, rentrés par la force des choses, dans une atmosphère lourde, lestée par des destins figés, et l’issue ne peut qu’être fatale, en un soudain déchaînement de violence. Aathi n’a d’autre option que de tuer le père – de remplacement – pour accéder à sa liberté, certes illusoire, après avoir eu un déclic en rencontrant Minnale.
Ce dénouement crépusculaire était inscrit, comme un fatum enveloppant des scènes nocturnes bénéficiant de la belle photo de Maxence Lemonnier, où les halos flous des ampoules de lampadaires trouent l’obscurité, comme les néons des cinéastes taïwanais ou hongkongais, au fil de ces déambulations aux illicites motivations.
Auparavant, Lawrence Valin avait signé Little Jaffna (2017), pour lequel il avait reçu le Grand prix du Festival Cinébanlieue, ainsi que le Prix Canal+ au Festival de Clermont-Ferrand. Ce film revenait sur la guerre faisant rage au Sri Lanka à la fin des années 1990 à travers, déjà, le regard d’un jeune Tamoul exilé à Paris. Après La nuit venue (2020), premier long métrage de Frédéric Farrucci et polar enraciné dans les milieux de l’immigration asiatique du sud-est de Paris, des minorités peu représentées, sinon “invisibilisées”, commencent ainsi à accéder aux écrans de cinéma français. Un petit pas supplémentaire vers l’affirmation de la diversité dans le renouvellement des talents, ce n’est pas anecdotique.
Christophe Chauville
Réalisation : Lawrence Valin. Scénario : Lawrence Valin et Marlène Poste. Image : Maxence Lemonnier. Montage : Anaïs Manuelli. Son : Thomas Van Pottelberge, Clément Gallice et Clément Laforce. Musique originale : Éric Bentz. Interprétation : Lawrence Valin, Aurora Marion et Antonythasan Jesuthasan. Production : Agat Films & Cie.