Extrait
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The Lift

Robert Zemeckis

1972 - 7 minutes

États-Unis - Fiction

Production : USC School of Cinematic Arts

synopsis

Un homme perd le contrôle de sa vie lorsque le vieil ascenseur de son immeuble refuse de répondre à ses commandes.

Robert Zemeckis

Né le 14 mai 1952 à Chicago, dans l'Illinois, Robert Zemeckis est l'un des plus célèbres réalisateurs du cinéma américain, actif depuis la fin des années 1970 et souvent considéré comme étant en pointe sur les effets visuels innovants.

Émoulu de l'USC, où il a été remarqué avec son court métrage The Lift, en 1972, il s'impose dans les années 1980 à la faveur du film d'aventures À la poursuite du diamant vert, de la trilogie Retour vers le futur, devenue culte, et de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, qui mélange animation et prises de vue réelles.

Il obtient en 1995 l'Oscar du meilleur réalisateur pour Forrest Gump et signe plusieurs autres films importants, tels que Contact (1997), Seul au monde (2000), Flight (2012) et The Walk (2015).

À l'automne 2024 sort au cinéma son 22e long métrage, Here - les plus belles années de notre vie, interprété par son acteur fétiche Tom Hanks et par Robin Wright.

Critique

Réalisé en 1972 à l’USC (University of Southern California), The Lift est le premier film de Robert Zemeckis. Fable fantastique sur l’aliénation professionnelle et urbaine, ce film très court aurait pu être, une dizaine d’années plus tôt, la matrice d’un épisode de La quatrième dimension, influence probable du jeune Zemeckis et de tant d’autres cinéastes hollywoodiens de sa génération (de Joe Dante à Steven Spielberg en passant par John Landis, tous trois réunis onze ans plus tard, comme on sait, pour un long métrage rendant hommage à ladite série).

Ceci posé, The Lift intéresse surtout, en 2024, pour ce qu’il préfigure, en tous points, de la filmographie à venir de Zemeckis. Petit inventaire…

Au cœur du film réside tout d’abord le rapport de l’homme à la technologie. De manière un peu brouillonne, l’ascenseur y semble doté d’une autonomie propre et finit par prendre l’ascendant sur la destinée d’un quidam kafkaïen enfermé par le montage du film dans la routine des jours. Quand l’ascenseur commence à dysfonctionner, le quotidien si bien ordonné du protagoniste commence à s’effriter, sa confiance en soi à s’éroder, jusqu’à la folie, jusqu’au tragique.

Le début de The Lift, avec son réveil qui sonne rappelle celui de Retour vers le futur, son travelling sur les horloges et engrenages enclenchant la préparation mécanique d’un petit déjeuner catastrophique dans le laboratoire du Docteur Emmett Brown. Les machines fascinent Zemeckis (et son coscénariste des premières années, Bob Gale), mais peut-on leur faire confiance ? Peut-on d’ailleurs faire reposer tout un film sur celles-ci, sur un dispositif, sur une innovation technique ? Toute la carrière du cinéaste, hybridant les images, malmenant les corps, défrichant les possibilités du numérique et du jeu de l’acteur face aux nouvelles techniques (morphing, deaging, motion-capture, etc.) ne cessera, de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? à Here en passant par La mort vous va si bien ou Le Pôle Express, de poser cette question.

Parallèlement, Zemeckis, en voyageur du temps, n’aura eu de cesse, pour le meilleur et pour le pire, de revisiter, reconstituer, truquer de grands moments de l’histoire contemporaine de son pays (les années 1960 dans Crazy Day, les deux décennies suivantes dans Forrest Gump, par exemple). Et si la vie était réversible dans la trilogie Retour vers le futur, sans cesse réinventée, mise en danger, remise en jeu, rien de tel dans The Lift où elle progresse inéluctable vers une issue fatale. Gagner du temps, c’est bien sûr ce que devrait permettre l’ascenseur (et aussi les différents ustensiles ménagers à la disposition de cet employé de bureau appliqué). Et c’est, se dit-on, l’obsession qu’il pourrait partager avec le personnage interprété par Tom Hanks dans Seul au monde vingt-huit ans plus tard : cadre de FedEx, Chuck Noland n’a de cesse, professionnellement, de compresser le temps (soit : améliorer les délais de livraison des colis), avant que celui-ci ne s’arrête – littéralement, sa montre étant cassée – à la suite du crash d’avion qui le laisse naufragé sur une île déserte quatre années durant. Que la machine se grippe et c’est la vie qui s’arrête : c’est The Lift.

Des hommes qui tombent, donc. Chute d’un avion dans Seul au monde ; chute du héros malheureux de The Lift dans ces escaliers que les caprices de l’ascenseur l’obligent à emprunter. Mais c’est aussi – et il faut vraiment s’y arrêter – celle qui menace Philippe Petit, le funambule de The Walk traversant en ligne droite le vide entre deux tours vouées, on le sait aujourd’hui, à l’effondrement. Tours new-yorkaises et tour (de magie ?) dont le cinéaste fait son sujet en 2015 dans un film aussi imparfait que fascinant, comme pour conjurer le traumatisme du 11 septembre 2001. L’élévation (The Walk se déroule en 1974 alors que le World Trade Center est encore en travaux) plutôt que la chute, l’exaltation plutôt que le désespoir : “Come on up for the Rising”, chantait du reste Bruce Springsteen en 2002, aux lendemains de l’attentat…

Énième défi du cinéaste, il s’agira là de filmer, d’un point de vue impensable et impossible, trois choses à la fois : 1) L’infilmable, en plongée, 500 mètres au-dessus du vide / 2) Ce qui n’est plus, ces “Twin Towers”, dont la tour nord fut achevée en 1972, quand Zemeckis filmait The Lift / 3) Cette performance acrobatique qui ne fut pas couchée sur pellicule puisqu’il n’y a pas d’archives filmées, mais seulement quelques photos, documentant l’exploit de Petit.

À l’aune d’une telle filmographie et d’une telle chronologie, il est impossible, pour conclure provisoirement et boucler la boucle d’une filmographie passionnante, de ne pas associer The Lift à The Walk : deux films où, à l’angle droit de la verticalité et de l’horizontalité, la vie d’un homme ne tient littéralement qu’à un fil…

Stéphane Kahn

Réalisation et scénario : Robert Zemeckis. Image : Bill Mauger. Montage : Mustafa R. Gursel. Musique originale : Bill Manov, Mark Nelson et Warren Wolfe. Interprétation : Michael Fuller. Production : USC School of Cinematic Arts.

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