Extrait
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Tchau tchau

Cristèle Alves Meira

2021 - 18 minutes

France - Fiction

Production : Kidam

synopsis

À l’heure où il est interdit de se rassembler pour enterrer nos morts, une petite fille séparée par un océan de son grand-père s’invente une façon de lui dire au revoir.

Cristèle Alves Meira

Née en 1983 à Montreuil, Cristèle Alves Meira est de double nationalité française et portugaise. Assurant des mises en scène de théâtre dès l'âge de 20 ans, elle réalise au Cap-Vert, en 2010, un premier court métrage documentaire : Som & Morabeza.

Suivront, notamment, deux fictions tournées dans le village de sa mère, au Portugal : Sol branco et Champ de vipères, sélectionné en 2016 à la Semaine de la critique, à Cannes, et l'amenant à participer, la même année, à la troisième promotion de “Next Step”, qui permet d’accompagner des cinéastes vers leur passage au long métrage.

Alors diplômée de l’Atelier scénario de la Fémis, elle signe, entre fiction et documentaire, lnvisível Herói, primé entre autres au Festival Silhouette à Paris, à Contis et à Brest.

Au printemps 2020, Cristèle Alves Meira se voit inspirer par la période de confinement liée à la pnadémie de Covid-19 un nouveau court métrage : Tchau tchau

En 2022, son premier long métrage, Alma viva, est présenté au Festival de Cannes, dans le cadre de la Semaine de la critique. Il sort au Portugal en novembre de la même année, puis en France en avril 2023, après avoir été présenté au Festival Premiers plans d'Angers.

Critique

Tourné dans l’urgence de la période Covid, le quatrième court métrage de fiction de Cristèle Alves Meira nous replonge dans l’atmosphère surréelle du confinement, entre existences en suspens et impression d’absurdité permanente. La réalisatrice s’est d’ailleurs inspirée des contraintes liées à la situation sanitaire pour imaginer cette histoire d’une fillette confrontée à la mort brutale de son grand-père, au Brésil, et à l’impossibilité de lui dire véritablement adieu.

Construit en trois parties, Tchau tchau pose tout d’abord la relation de Lua avec son grand-père, dans des vidéos WhatsApp au format vertical caractéristique. Leur complicité y est évidente, qu’il s’agisse de partager une recette (celle d’un masque de beauté) ou un cours de danse. Vient ensuite le temps du drame, et du deuil à distance, presque abstrait, qui culmine lors d’une improbable (et pourtant fidèle à ce qui était alors proposé par les compagnies de pompes funèbres) veillée de prières en zoom, le corps ne pouvant être rapatrié en Europe dans l’immédiat. Enfin, la petite fille trouve une forme d’apaisement en inventant son propre rituel funéraire.

Ce qui frappe d’emblée, c’est la manière dont la réalisatrice tisse une matière purement fictionnelle avec des éléments documentaires (ses enfants, son père et elle-même jouent leur propre rôle), jusqu’à créer une forme de confusion chez le spectateur. Le récit s’amuse de ce dispositif qui, en plus de rendre compte d’une réalité concrète, joue quelque chose de l’ordre de la conjuration du sort : en demandant à son père de feindre sa propre mort, Cristèle Alves Meira la garde en quelque sorte à distance.

En choisissant une mise en scène à hauteur d’enfant, elle évacue également tout ce qui pourrait sembler forcé ou utilitaire, et se concentre sur la délicatesse d’un récit ténu et volontairement elliptique. On ne saura par exemple de la situation que les bribes d’informations interceptées par la petite fille lors des conversations téléphoniques de sa mère. Les autres réalités du confinement (l’isolement, les autorisations de sortie, la peur du virus…) sont également laissées à distance. C’est en cela que Tchau tchau se distingue de nombre de films qui ont tenté d’aborder cette parenthèse spécifique de l’histoire contemporaine sans réussir à en capturer l’essence.

Ici, la réalisatrice prend véritablement à bras le corps la nécessité de rendre compte, plus que de faits, d’un sentiment diffus de dépossession, et même de vide, face à la brutalité d’un deuil désincarné. Cela passe par de toutes petites choses (des gestes, des regards) mais aussi par cette scène centrale qui fait de l’usage de l’application de visioconférence Zoom (et de ses inénarrables ratés technologiques) un symbole fort de l’impossibilité, non seulement d’être ensemble physiquement, mais aussi d’atteindre une forme de recueillement collectif. Elle capte ainsi, en une séquence, les sensations complexes et ambivalentes qui resteront de cette période.

Marie-Pauline Mollaret

Réalisation et scénario : Cristèle Alves Meira. Image : Julien Michel. Montage : Pierre Deschamps. Son : Pierre Bouchilloux. Interprétation : Lua Michel, David Meira, Cristèle Alves Meira, Elmano Sancho, Jean-Paul Troc et Saul Michel. Production : Kidam.

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