2011 - 33 minutes
France - Fiction
Production : Aurora Films
synopsis
Alpes françaises, février 2009. Vanina aime entendre le parquet du chalet grincer sous ses pieds nus. Vanina aime s’enduire de crème solaire devant la cheminée en pierre. Vanina aime la fourrure fauve de son lapin Souci. Vanina aime sentir le parfum cuir du canapé blanc. Vanina aime contempler des heures durant la lueur charbonneuse des yeux des femmes voilées sur les cartes postales de sa collection. Vanina aime chatter avec Éloïse sur internet. Mais par-dessus tout, ce que Vanina aime, c’est sa baby-sitter américaine, Mary Jane...
biographie
Mati Diop
Mati Diop, née en 1982 à Paris, évolue dans le milieu du cinéma à la fois devant et derrière la caméra.
En 2004, elle réalise son premier court métrage, Last Night, présenté à la Cinémathèque française dans le cadre du cycle régulier “Cinéma d’avant-garde” programmé par Nicole Brenez.
En 2006, elle intègre le Pavillon (le laboratoire de création du Palais de Tokyo) et y réalise plusieurs vidéos : Île artificielle-expédition, programmée au Cinéma du réel, au Centre Pompidou, puis l’une des créations qui composent l’exposition collective The Party, présentée au Palais de Tokyo.
En 2008, elle intègre Le Fresnoy, où elle réalise son premier court métrage, Atlantiques, qui obtient la Mention spéciale du Prix Louis-Marcorelles au Cinéma du réel. Dans le même temps, elle tient le premier rôle féminin, aux côtés d’Alex Descas, dans le long métrage de Claire Denis 35 rhums.
La même année, Mati Diop présente 1000 soleils au Festival de Cannes, un projet de documentaire sur le film Touki Bouki réalisé en 1973 par son oncle, le grand cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambéty (et présenté au Festival de Cannes cette année-là). Le film est distribué en 2013 sous le titre Mille soleils.
Entre 2010 et 2015, la réalisatrice signe trois courts : Big in Vietnam en 2010, Snow Canon en 2011 et Liberian Boy, coréalisé avec Manon Lutanie en 2015.
Atlantique, son premier long métrage, obtient le Grand prix au Festival de Cannes en 2019 avant de sortir en salles à l’automne suivant. Cinq ans après, c'est le Festival de Berlin qui lui réserve sa récompense principale : Dahomey reçoit l'Ours d'or en février 2024 et sort au cinéma en France à la rentrée suivante.
Critique
On avait découvert Mati Diop avec Atlantiques (voir Bref n° 96), qui fut présenté au Cinéma du réel en 2009 ; on la retrouve deux ans plus tard en section “Orizzonti” lors de la 68e Mostra de Venise. Si son précédent film peut être considéré comme un documentaire – travaillé par l’hybridation –, il s’agit cette fois d’une fiction où se loge une part d’autobiographie. Dans Atlantiques, il était question d’un nouvel Ulysse en la personne d’un migrant, Snow Canon n’est pas sans convoquer une certaine Pénélope.
Vanina vit dans un chalet douillet, de très sévères sommets verticaux obstruent l’horizon de cette adolescente lascive. Une grande part de la dramaturgie de Snow Canon vient se loger dans la tension entre cette sorte de prison dorée et la projection vers un ailleurs où l’on se rend à coup de messagerie instantanée – qui figure plein écran – avec une copine du bout du monde. Le virtuel est rendu comme un lieu à part entière, avec cette part de mensonge et de fantasme vécue avec un savant mélange de sérieux et d’inconséquence.
Puis l’ailleurs vient à elle en la personne de Mary Jane, une baby-sitter américaine :“G LA CALCUL PA C JUST 1 FEM 2 MENAGE”, écrit-elle à sa correspondante d’un autre continent. La donne est en fait tout autre ; on ne sait trop qui joue le chat ou la souris, mais une drôle de course s’engage, sous le signe du désir et de la séduction. Le jeu se trouve au cœur de Snow Canon, auquel participe largement une mise en scène qui se déploie avec un sens de la variation étonnant. Sans quitter une légèreté, toutes les composantes du film se gorgent d’un trouble en jouant très subtilement avec le dévoilement des espaces, les déplacements et la cohabitation des corps. Et un autre désir d’apparaître : celui de suivre avec intérêt et attention les prochains films de Mati Diop.
Arnaud Hée
Article paru dans Bref n°101, 2012.
Réalisation : Mati Diop. Scénario : Mati Diop et Judith Lou Lévy. Image : Jordane Chouzenoux. Montage : Aël Dallier-Vega. Son : Delphine Malausséna et Sylvain Copans. Interprétation : Nilaya Bal, Nour Mobarak et Alban Guyon. Production : Aurora Films.