Extrait
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Shake Up

Anne Steffens

2022 - 21 minutes

France - Fiction

Production : Kidam

synopsis

C’est au détour d’un horoscope qui conseille aux Taureaux de faire un check-up, que Claire, Sagittaire, décide d’en faire un. Il semble qu’elle ait besoin de remplir ses journées, d’avoir un programme précis, de faire diversion peut-être. Qu’est-ce qui fait courir Claire ? Les docteurs qu’elle rencontre au fil de tous ses rendez-vous médicaux, qu’elle enchaîne la tête ailleurs, parviendront-ils à le découvrir ?

Anne Steffens

Après une formation de gymnaste, un mémoire en littérature latine et le conservatoire de Nancy, Anne Steffens s'est produite sur les planches à partir de la fin des années 2000, jouant alors Eden matin midi et soir de Chloé Delaume. Plus récemment, on l'a vue dans Caligula de Jonathan Capdevielle (2023-24).

Au cinéma, elle a tourné notamment sous la direction de Sébastien Bailly, Guillaume Brac, Benoit Forgeard (La course nue, Respect, Gaz de France, Yves), Emmanuel Laskar, Lucie Rico ou Gabriel Harel (elle assurait l'une des voix du césarisé La nuit des sacs plastiques). Elle a aussi joué dans le premier long métrage de fiction de Nine Antico, Playlist (2020), et dans celui de Delphine Deloget, Rien à perdre, présenté à Un certain regard au Festival de Cannes 2023.

Elle a réalisé alors son premier court métrage, Shake Up (2023), produit par Kidam et Same Player, qui a obtenu plusieurs prix dans différents festivals, avant tout celui du public au Champs-Élysées Film Festival.

Elle a également prêté sa voix à la mère de la jeune héroïne du court métrage d'animation Drôles d'oiseaux de Charlie Belin (2023).

Critique

Souffrant de dépression suite à une rupture amoureuse, Claire entreprend une série de rendez-vous avec plusieurs spécialistes. Gynéco, dermato, kiné, ORL... Un “check-up” complet, ça oblige à s’organiser, ça meuble le temps. “Secoue-toi un peu !”, conseillerait quelqu’un de bien intentionné – mais ignorant – à une âme dépressive. De bonne volonté, la jeune femme se lance dans cette batterie d’examens où manque l’essentiel. Ponctuelle, la clope au bec, elle sonne à chaque cabinet, se laisse ausculter, accueille les prescriptions avec un enthousiasme débordant absolument feint. Surtout, comme si elle s’excusait d’être là, pour dédramatiser ou détendre l’atmosphère – comme si elle en était responsable –, elle débite des blagues. Présentée non sans ironie tel un genre de bestiaire (avec notamment la présence complice de Françoise Etchegaray, productrice d’Éric Rohmer, en généraliste blasée), la flopée de toubibs possède deux points communs : tous se montrent indifférents à l’humour de Claire, et aucun ne s’intéresse au mal psychique qui la ronge vraiment. Au moment où l’un d’eux lui demande, histoire de, “comment va le moral”, sa parole est interrompue par le téléphone qui sonne. À la fin de la séance, l’insupportable gynécologue ôte ses gants et balance ses outils médicaux dans un geste théâtral héroïque, sans penser libérer sa patiente coincée dans une position ultra inconfortable.

Cette comédie féministe très réussie semble creuser une difficulté contemporaine : être pris au sérieux dans les maux que l’on traverse, (s’)accorder de l’attention, trouver l’écoute nécessaires dans un corps médical occidental peut-être trop imperméable aux conversations entre le corps et l’âme. Difficulté accrue pour les femmes à qui il est plus commode de brandir des menaces d’horloge biologique. Politesse du désespoir, l’humour se déploie brillamment dans des dialogues émaillés de nombreuses trouvailles, truffés de mots d’esprit où l’inconscient ne se lasse pas d’apparaître, où l’on jongle avec brio entre le premier degré de lecture et tous les autres. Le titre et l’idée même de ce check-up médical qui donne sa trame à un scénario intelligent, à la fois méthodique et léger, en sont révélateurs. Plusieurs situations ultra absurdes sont hilarantes, et une attention aux détails dans le décor contribuent à traduire l’intériorité du personnage. Dans une peinture accrochée au mur du cabinet de la dermato, le visage de Janet Leigh, la comédienne de Psychose d’Alfred Hitchcock, est déformé par les hurlements. 

Anne Steffens qui ici écrit, réalise et incarne merveilleusement ce rôle principal, est avant tout comédienne. Il s’agit du premier film dans lequel elle s’offre la casquette de réalisatrice, dans une très belle carrière d’actrice au théâtre et au cinéma, notamment dans l’univers de Benoit Forgeard, dont elle joue les rôles principaux de tous les derniers films importants : Yves, Gaz de France (aux côtés de Philippe Katerine), ou Réussir sa vie. Finesse d’écriture et agilité de mise en scène, on a hâte de prendre rendez-vous avec sa prochaine réalisation. 

Cloé Tralci 

Réalisation et scénario : Anne Steffens. Image : Margot Besson. Montage : Ann Sophie Wieder. Son : Olivier Pelletier et Clément Chauvelle. Interprétation : Anne Steffens, Tom Pezier, Françoise Etchegaray, Manuel Vallade, Marlène Saldana, Shannen Athiaro-Vidal, Solal Bouloudnine, Jean-Luc Vincent et Ghita Serraj. Production : Kidam.