Extrait
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Sèt Lam

Vincent Fontano

2022 - 23 minutes

France - Fiction

Production : Dobro Films

synopsis

Dans le quartier d’une ville insulaire, au milieu d’un rituel de transe, une petite fille est tétanisée. Elle a peur de voir les siens se blesser ou disparaître. Sa grand-mère lui raconte alors l’étrange histoire d’Edwardo, le premier des leurs à avoir vu sa mort et à l’avoir affrontée. La petite fille est attentive, elle sent bien que sa grand-mère ne lui raconte pas cette histoire sans raison.

Vincent Fontano

Vincent Fontano a été élève au Conservatoire de la Réunion jusqu'en 2009. Il mène un parcours atypique au sein de la création littéraire réunionnaise. Ses premières mises en scène sont saluées par le public et la critique et il s’impose très vite dans le paysage culturel de l’île, réinventant le théâtre réunionnais contemporain à travers des pièces puissantes qui interrogent la société créole.

Il retrouve la langue française avec Loin des hommes, tout en continuant son exploration des grands motifs tragiques. Parallèlement, il aura exploré ces dernières années d’autres formes d’écriture et réalisé un premier court métrage, Blaké, dont il tenait en outre le rôle principal. Achevé en 2019, le film a obtenu plusieurs récompenses, dont le Prix SACD et le Prix d’interprétation masculine au Festival Cinébanlieue 2019, ainsi que le Prix France Télévisions au Festival de Clermont-Ferrand 2020.

Sèt Lam, qui a suivi, a également été présenté à Clermont-Ferrand, où il a obtenu le Prix SACEM de la meilleure musique originale en 2023, avant de poursuivre sa carrière à travers le monde (Chicoutimi, Palm Springs, San Francisco, Sundance, Thessalonique, etc.).

Critique

Sèt Lam est né d’un gros chagrin”, explique Vincent Fontano quand il évoque la genèse de son deuxième court métrage. Pour conjurer la peine provoquée par la disparition de sa grand-mère qui l’avait élevé, le cinéaste se confronte à une légende sur la Mort. Dans un décor nu et un noir et blanc contrasté et intemporel, deux silhouettes vêtues de blanc sont plongées dans l’obscurité : une vieille femme raconte à sa petite-fille comment Edwardo, un modeste pêcheur, a affronté un grand requin et défié la mort, refusant son appel insistant. Le conte relaté par l’aïeule convoque les images de l’homme quittant son humble cabane pour aller affronter le monstre marin invisible et défier une femme altière vêtue d’un élégant smoking, qui veut l’emmener pour l’éternité. Cette version contée et low-fi des Dents de la mer a pour fonction de préparer la fillette à la séparation prochaine d’avec sa grand-mère.

En ce temps-là…” : par cet appel, la voix off convoque des images du quotidien d’Edwardo dans son quartier, dont on voit pourtant, dans un effet parfaitement anachronique, les murs recouverts de graffs. On pourrait croire que le conte d’Edwardo fait la synthèse de vieilles légendes locales. Il relève pourtant de la pure fiction, le cinéaste créant de toutes pièces au cinéma les images anciennes qui manquent à son territoire. Celui-ci prend  aussi la liberté de mélanger les récits, les époques, les styles et de composer son casting avec ses chorégraphes, percussionniste ou chanteuse.

Venu du théâtre – il a fondé la compagnie Ker Béton en 2011 pour écrire et mettre en scène des textes en créole –, Fontano s’offre toutes les libertés de mise en scène, mêle ce récit enchâssé avec des formes de déclamation issues de la scène à des plans documentaires qui offrent un dernier regard sur le quartier voué à un inéluctable démantèlement. Le choix du format carré donne aux visages des pêcheurs du quartier toute leur majesté et la veine documentaire se fond dans le récit légendaire. Dédié à l’actrice Françoise Guimbert, disparue entre le tournage et le montage, Sèt Lam est une cérémonie funéraire, encadrée par une danse de servis kabare, rituel de transe religieux qui permet de convoquer les ancêtres. “Écoute comment le chagrin est mort”, intime la grand-mère à sa petite fille, comme pour se convaincre elle-même que les histoires ont un pouvoir magique de consolation.

Raphaëlle Pireyre

Réalisation et scénario : Vincent Fontano. Image : Vadim Alsayed. Montage : Élodie Fouqueau. Son : Julien Verstraete et Benjamin Alves. Musique originale : Jako Maron. Interprétation : Nicolas Moucazambo, Nadjani Bulin, Françoise Guimbert et Sihame Saïd Ouma. Production : Dobro Films.