2008 - 29 minutes
France, Taïwan - Fiction
Production : Ananda Productions
synopsis
Une équipe de télévision française s’invite dans une famille taïwanaise vivant à Taipei. Toute la famille accepte d’être filmée le temps d’un week-end dans le cadre d’une émission de télé réalité.
biographie
Cheng-Chui Kuo
Né en 1971, Cheng-Chui Kuo a d'abord été assistant réalisateur (notamment sur Monstre, d'Antoine Barraud, en 2005) et a été révélé à la fin des années 2000 par Séance familiale.
Ce film mettant en scène une famille taïwanaise accueillant une équipe de télévision française obtient, entre autres, le Grand prix du Festival de Brest 2008 et le Prix du public au Festival du court métrage de Clermont-Ferrand 2009. Le film est ensuite nommé au César 2010 du meilleur court métrage. Expiration, en 2011, rencontrera un succès moindre.
Après avoir coécrit en 2012 le moyen métrage No Way Home de Li Shih, Cheng-Chui Kuo passe au long métrage en 2016 avec Forêt Debussy, demeuré inédit en salles et où une mère et sa fille déambulent dans une forêt dense, jusqu'à s'y perdre.
En 2019 lui succède Clément, Alex et tous les autres, présenté au Festival Chéries-Chéris et distribué en DVD. Le film est actuellement disponible sur Amazon Prime Video.
Critique
“On ne fait que manger, regarder la télé et dormir ! Ça va intéresser les gens ?”, s’exclame l’une des protagonistes de Séance familiale, le court métrage à succès de Cheng-Chui Kuo (2008). Un caméraman de télévision, Pierre, débarque dans la vie d’une famille taïwanaise moyenne pour filmer son quotidien, prétextant un concours avec une jolie somme d’argent à la clé. On pense alors évidemment aux shows de téléréalité, depuis que ces formats télévisuels sont apparus, popularisés en France sept ans plus tôt, notamment par Loft Story.
Dans cette famille de Taipei, rien de bien très excitant à filmer : un père prof de maths accro aux chaînes d’information, une mère au foyer assez méfiante, leur fille (la seule qui parle anglais), célibataire à chat et travaillant dans une boîte d’import/export. Rien de passionnant, peut-être, dans le cadre d’un concours télévisé, mais dans le contexte du cinéma, les plans séquences précis cadrés par le brillant chef opérateur Thomas Bataille, la direction d’actrices (et d’acteur) subtile du jeune cinéaste, font de ce film un bijou de révélations intimes. Comme si chacun des plans doux filmés en travelling ou en panoramique dans ce petit appartement aux couleurs ternes nous révélait des choses cachées derrière les choses. Comme si les repas proposés à Pierre dissimulaient quelques nœuds d’estomac familiaux. Cette famille est peut-être trop polie, trop sémillante. Le vernis ne peut que craquer et les douleurs personnelles réapparaître.
Le basculement a lieu à l’extérieur de l’appartement quand le père doit faire sa dialyse. Pierre le cadreur les suit à l’hôpital. Le père s’adresse alors face caméra à une figure absente dont on ne connaît pas l’identité : “C’était toujours toi qui me conduisais à la clinique et qui m’aidais à faire le pansement.” Pierre l’aidera alors à faire son pansement, amenant progressivement la révélation du secret familial : le départ du fils (dont l’existence était tue jusqu’ici), qui avait quitté le foyer familial à la suite de la révélation de son homosexualité. La présence de Pierre dans la famille sert de détonateur à cette révélation. La caméra est l’objet qui permet à la vérité d’affleurer. Dans le gros plan du père à l’hôpital, puis quand la fille prend la caméra pour se filmer et révéler au spectateur que le chat Capitaine est en réalité celui de son frère.
D’autres révélations suivront, faisant passer le film de la comédie douce-amère à la tragédie. Avec toujours l’ambigüité d’une téléréalité qui serait pour une fois filmée avec intelligence, tel le dernier long plan séquence, où le spectateur du film devient en quelque sorte le quatrième mur de ce huis clos “mélancomique”.
Avec ce film lauréat de nombreux prix dont celui du public au Festival de Clermont-Ferrand, le cinéaste taïwanais, arrivé en France à la fin des années 1990 pour faire des études de cinéma, se faisait un nom en 2008. “Peut-être que ça sera mon seul film reconnu. Ce n’est pas grave. Je ne ressens plus de pression, je me sens libéré”, affirmait-il l’année suivante, bien avant de passer au long métrage, avec plusieurs films n’ayant malheureusement jamais été distribués en France.
Bernard Payen
Réalisation et scénario : Cheng-Chui Kuo. Image : Thomas Bataille. Montage : Yannis Polinacci. Son : Chen Chou et Didier Cattin. Interprétation : Lu Yi-Ching, Mark Lee, Bryan Polach et Lun-Mei Kwai. Production : Ananda Productions.