Extrait
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Safety Matches

Pauline Bailay

2022 - 19 minutes

France - Fiction

Production : Ecce Films

synopsis

Une cité pavillonnaire est frappée par une mystérieuse vague de disparitions de portes d’entrée. Entre deux pauses cigarettes, Léa et Claude mènent l’enquête. À cette occasion, ils rencontrent Jeanne, dernière victime en date de ces disparitions.

Pauline Bailay

Née en 1993, Pauline Bailay est titulaire d'un BTS “Design de produit” de la prestigieuse école Boulle, à Paris, ainsi que d'un Diplôme de designer textile, obtenu à l'ENSCI-Les Ateliers. Elle a ensuite cofondé le Studio Poirier-Bailay avec Hugo Poirier.

Elle est venue au cinéma et à la réalisation en 2022 avec Safety Matches, produit par Emmanuel Chaumet pour Ecce Films. Le film, interprété par Agathe Bonitzer et le jeune Rio Vega, a été sélectionné dans plusieurs festivals importants, notamment Créteil, Grenoble et Pantin/Côté court (où il reçoit le Prix de la presse en 2023).

Pauline Bailay a renouvelé l'expérience en 2024, à travers 43° à l'ombre. Toujours produit par Ecce Films, ce deuxième court métrage a été de nouveau présenté à Grenoble et Pantin, avant de recevoir la Mention spéciale du jury étudiant national au Festival de Clermont-Ferrand 2025. 

Critique

On n’est qu’à moitié surpris lorsqu’on apprend que Pauline Bailay, la réalisatrice, a suivi en premier lieu des études supérieures dans le domaine du design, à l’école Boulle. Pour son premier film, produit par l’équipe d’Ecce Films, la réalisatrice a tiré le fil d’une intrigue policière farfelue. Son récit penche vers la parodie, et surtout vers le prétexte. Il est l’occasion de composer sur le plan formel une sorte d’ode aux objets qui peuplent notre quotidien, donnant ainsi vie à un univers un brin bizarre qu’habitent bon an mal an ses personnages. Sur les séquences de Safety Matches, on voit régner une géométrie plastique précise et maîtrisée sur laquelle souffle un humour suave et subtilement décalé, un soupçon de nonchalance qui, imperceptiblement, vient tout changer.

Pauline Bailay s’amuse avec les codes des polars à la noix, des feuilletons télé type Les experts. Ses deux personnages, Claude et Léa, forment un duo de jeunes enquêteurs confrontés à une affaire de vols en série : un bandit subtilise les ouvertures des logements – portes, fenêtres, cheminées. Comme pour l’ouvrir grande, la porte, à la fiction, faire entrer l’imaginaire et la fantaisie, cette idée situe aussi le film dans une ère post-confinement. Et si un objet aussi improbable qu’un volet, allié essentiel de ces mois confinés, car garant d’une intimité devenue permanente, venait à disparaître ? La dérobade d’une "porte connectée" achève de donner à ce voleur qui reste invisible des contours de Fantômas du XXIe siècle

C’est par cette situation que se diffuse l’ironie, autant que par le bureau des flics recréé en studio, les costumes des enquêteurs pas loin de l’uniforme quotidien du hipster urbain des grandes métropoles, la tournure militaire que prend l’investigation. Un dialogue de sourds saugrenu avec la hiérarchie crée une occasion de caméo pour Anne Steffens, réalisatrice de Shake Up et comédienne complice de toujours de Benoît Forgeard. Son apparition agit comme un clin d’œil signature d’Ecce, le point commun entre tous ces artistes qui dessinent film après film un sillon empreint des mêmes essences : goût pour le studio, larges pas de côté sur le réel, humour doucement corrosif. Dans Safety Matches, le premier degré se maintient au niveau du lien d’amitié du duo formé par Léa (Agathe Bonitzer) et son ténébreux acolyte Claude (Rio Vega), dans le halo de cigarettes et de confidences partagées.

Annoncées "de sûreté", les allumettes vintage que collectionne Claude sont plutôt la clé du feu, le moteur à histoires, l’assurance de la péripétie, dans un film qui se présente comme une variation autour de l’accessoire. Le décor fait partie des personnages principaux, design et scénographie ne font qu’un, la direction artistique du film étant assurée par le studio Poirier-Bailay fondé par la réalisatrice. À travers une attention particulière dédiée aux objets, se développent ici une poésie singulière du quotidien et des sensations graphiques teintées d’étrangeté. Tout l’espace du champ s’offre à un service à café ou à une assiette de fusilli à l’arrabiata. Un vase double encadre de fleurs la rencontre électrique entre deux personnages. Pauline Bailay fait ici du cinéma comme on sculpte un objet unique, en un geste à la fois dandy et assuré.

Cloé Tralci

Texte paru dans Bref n°129, 2024.

Réalisation et scénario : Pauline Bailay. Image : Félix Moy. Montage : Clara Saunier. Son : Gaëtan Ricciuti et Noëmy Oraison. Musique originale : Gabriel Colban. Interprétation : Agathe Bonitzer, Rio Vega, Delphine Bechetoille et Anne Steffens. Production : Ecce Films.