Roule ma poule
Caroline Vignal
1999 - 17 minutes
France - Fiction
Production : GREC, TS Productions
synopsis
Les journées de France, monitrice d’auto-école, se ressemblent toutes. Mais il suffit parfois d’un jeune homme galant pour que le quotidien s’emballe...
biographie
Caroline Vignal
Diplômée du département scénario de la Fémis en 1996, Caroline Vignal réalise son premier court métrage, Solène change de tête, en 1998. L’année suivante, elle réalise son deuxième court, Roule ma poule, avec Emmanuelle Devos. Son premier long métrage : Les autres filles, sort en 2000 avec Julie Leclercq, Bernard Ménez, Jean-François Gallotte et Caroline Baehr. Le film a été sélectionné à la Semaine de la critique, à Cannes, puis dans de nombreux festivals.
Elle participe à la création de la série télévisée Hippocampe (2016) et à l’écriture de deux films pour France 3 : Divorce et fiançailles (2012), réalisé par Olivier Péray, avec Ariane Ascaride, Michel Aumont et Jean-François Stévenin, et Je vous présente ma femme (2013), réalisé par Élisabeth Rappeneau, avec Catherine Jacob et Michel Robin. En parallèle de ses projets audiovisuels, elle travaille sur de nombreuses émissions de radio pour France Culture, comme la série documentaire Et toi, c’était comment la première fois ? ou la comédie musicale Hyper, sélectionnée et primée dans plusieurs festivals.
Son deuxième long métrage Antoinette dans les Cévennes, qui fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes 2020, rencontre un succès inattendu en salles dans le contexte difficile de la pandémie de Covid-19, réalisant plus de 700 000 entrées. Il vaut à Laure Calamy le César de la meilleure actrice au début de l'année suivante, tout en comptant six autres nominations (notamment en “meilleur film”).
Cette fois-ci, la réalisatrice n'attend que peu de temps avant d'embrayer sur un nouveau film : Iris et les hommes, dont Laure Calamy tient à nouveau le rôle-titre, est présenté en 2023 au Festival du film francophone d’Angoulême et distribué au cinéma début 2024.
Critique
Des personnages de Caroline Vignal sont avant tout ancrés socialement par leur activité professionnelle, qui les délimite dans un espace parfaitement circonscrit. Après le salon de coiffure de Solène change de tête, il s'agit ici de la voiture d'auto-école où une jeune femme exerce le métier de monitrice. Mais une fois de plus, la démarche de la cinéaste consiste à faire exploser très vite ces données et ce cadre, non sans malice. Visiblement plus occupée par ce qu'elle voit derrière les vitres de la voiture que par les élèves assis à ses côtés, la jeune femme n'arrive pas à dissimuler derrière ses lunettes et son attitude un peu revêche une facette plus fragile de sa personnalité. C'est dans cette faille que s'engouffre d'emblée son séduisant élève qui doit passer l'examen de conduire le jour-même : s'il obtient son permis, il l'invite à dîner. En quelques phrases échangées, qui entremêlent le registre froid et professionnel de la monitrice et le séduisant naturel du jeune homme, les frontières entre identité sociale et intimité sont devenues plus floues. Ce que la suite du film ne cesse de mettre joyeusement et tendrement en scène. On assiste ainsi à la déconstruction progressive de l'image un peu figée derrière laquelle la monitrice s'était retranchée pour se protéger d'éventuelles blessures affectives. "Les gens sont seuls", laisse-t-elle échapper en voyant une publicité pour des lieux de rencontres sur Minitel, devant laquelle passent des silhouettes solitaires. Et de s'embarquer dans des circonvolutions verbales sur la réelle signification de l'invitation à dîner d'un jeune homme dans le monde actuel, comme si, coupée de celui-ci depuis longtemps, elle n'en connaissait plus les usages. Interrogeant sans relâche tous les élèves qui se succèdent dans sa voiture, la jeune fille renaît au trouble des sentiments. Ce sursaut vital lui permet de régler ses comptes avec un ancien amant, abasourdi de cette violence à retardement - alors qu'elle vient de lui jouer une scène de rupture, on comprend que cela fait six mois qu'ils ne se sont pas vus! Rompant les amarres, la jeune femme abandonne son rôle de monitrice, au figuré comme au propre lorsqu'elle occupe la place arrière de la voiture, ou celle du conducteur. Sa perte de repères professionnels et de toute "ligne de conduite" la mèneront à l'accident, dans une ultime scène très émouvante qui la fait vaciller plus crucialement, très certainement pour mieux la remettre sur les rails ... de la vie. Mais cela est une autre histoire.
Claire Vassé
Réalisation et scénario : Caroline Vignal. Image : Pascal Lagriffoul. Montage : Annick Raoul. Son : Guillaume Valeix. Musique originale : Jean-Stéphane Brosse. Interprétation : Emmanuelle Devos, Tran Nguyen Ngoc, Farida Rahouadj et Aurélie Berrier. Production : GREC et TS Productions.


