2004 - 6 minutes
France - Animation
Production : Je Suis Bien Content
synopsis
À l’approche de Noël, dans les bureaux de l’hôtel de ville d’une grande métropole, un promoteur présente au maire un nouveau grand projet immobilier. Au milieu de la foule qui s’active dans les rues, une jeune femme en haillons, la main tendue, le dos courbé, demande la charité aux passants.
biographie
Vincent Paronnaud
Né en 1970 à la Rochelle, Vincent Paronnaud, alias Winshluss, est auteur de bandes dessinées (son Pinocchio a reçu le prix du meilleur album au Festival de la BD d'Angoulême en 2009) et cinéaste. Il a coréalisé deux longs métrages avec Marjane Satrapi (Persépolis, 2007, Prix du jury du Festival de Cannes 2007 et César du meilleur premier film et de la meilleure adaptation 2008 ; Poulet aux prunes, 2011).
Du côté du court métrage, en 2003, il commence par la coréalisation avec Lyonel Mathieu, alias Cizo, de Raging Blues, O’Boy, What Nice Legs ! et Hollywood Superstars avec Mr Ferraille, un faux documentaire. En 2009, il s’attèle à la réalisation de son premier long métrage solo, en prise de vues réelles, Villemolle 81, parodie zombiesque en milieu rural.
Entre 2010 et 2014, il revient au court métrage en animation avec Il était une fois l’huile, une satire de la société de consommation, puis en prise de vues réelles avec le terrifiant Territoire. Smart Monkey est ensuite coréalisé avec Nicolas Pawlowski.
En 2017, Paronnaud s'associe cette fois à Denis Walgenwitz pour la réalisation du court métrage d'animation La Mort, père & fils, récompensé du Prix du jury junior au Festival du film d'animation d'Annecy en 2018 et nommé au César dans la catégorie animation en 2019.
Il se lance alors dans un long métrage en prises de vue réelles, de genre fantastique : Hunted. Interprété notamment par les Wallons Lucie Debay et Arieh Worthalter, le film est présenté à L'Étrange festival en 2020 sans toutefois sortir en salles en France.
Le réalisateur revient ensuite à l'animation par le biais d'Angelo dans la forêt mystérieuse, sélectionné en compétition des longs métrages au Festival d'Annecy 2024. Le film est adapté de l'un de ses propres albums de BD, primé au Salon du livre pour la jeunesse de Montreuil en 2016.
Lyonnel Mathieu
Stéphane Roche
Critique
Il y a deux décennies, cette fable noire s’enracinant dans l’imaginaire de la Grande dépression se distinguait par son style graphique singulier et révélait le nom de l’un de ses coréalisateurs, Vincent Paronnaud, une poignée d’années avant Persépolis, sur lequel il devait travailler à quatre mains avec Marjane Satrapi.
On se trouvait alors à l’aube d’une crise financière majeure – celle des subprimes – et Raging Blues, par son évocation de celle des années 1930, prenait une saveur spécifique, presque visionnaire, au gré d’une ample diffusion dans les festivals et sur le petit écran.
Le pamphlet social s’affirmait en effet percutant (la boxe y joue d’ailleurs un rôle important, jusque dans le titre, évoquant bien sûr le classique de Martin Scorsese), utilisant admirablement la tonalité du cinéma muet américain et ses figures récurrentes : la mégalopole écrasante, la pauvre fille-mère issue du prolétariat, les méchants capitalistes sans scrupules, le policier irascible… De quoi laisser libre court à un humour noir d’autant plus réjouissant qu’il se révèle impertinent et audacieux, jusqu’à son très caustique et macabre dénouement. La texture sophistiquée de l’animation, dans un superbe “noir, gris et blanc” riche d’une kyrielle de nuances, en est une première raison, permettant l’atemporalité et l’universalité du propos, ce qu’avive encore le choix de représentation figurée des personnages, sans visages, donc sans yeux, ni bouche, mais non sans expressions.
Ce conte de Noël à la Dickens se mue en charge contre le capitalisme boursier, une opération immobilière précipitant la ruine, l’expulsion, la perte de dignité et finalement le désespoir du lumpenprolétariat. Au-delà des lumières de la ville, l’avènement des temps modernes et d’une société nouvelle est meurtrier par essence. C’est toute la gageure relevée par Paronnaud et ses compères de stigmatiser l’implacable mécanisme en générant, derrière une décapante “amoralité”, un sentiment d’humanité volontiers chaplinesque, uniquement par la grâce d’éléments graphiques géométrisés et qu’on aurait pu au premier abord penser désincarnés. Ne serions-nous pas tous des punching-balls ?
Christophe Chauville
Réalisation : Vincent Paronnaud, Lyonnel Mathieu et Stéphane Roche. Scénario : Vincent Paronnaud et Lyonnel Mathieu. Animation : Benoît Janke et Stéphane Roche. Son : Robert Mouyren et Laurent Veliseck Musique originale : Olivier Bernet. Production : Je Suis Bien Content.