
1994 - 3 minutes
France - Fiction
Production : CRIPS Île-de-France, Île Productions
synopsis
Après une rupture, une jeune femme sort de chez elle, portant dans ses bras un bocal contenant son poisson rouge. Alors qu’elle traverse la rue, le bocal tombe et se brise. Il lui faut trouver un moyen de sauver Kiki ! En voyant l’enseigne d’une pharmacie, elle a une idée lumineuse.
biographie
Cédric Klapisch
Né à Neuilly-sur-Seine en 1961, Cédric Klapisch est l’un des réalisateurs français contemporains les plus populaires. Également scénariste, il est aussi parfois producteur de ses propres films.
Après une prépa littéraire, une licence de cinéma à Paris-3 Censier et une maîtrise à Paris-8 Vincennes-Saint-Denis (avec un mémoire sur le “non-sens” au cinéma !), il a étudié en master à la Tisch School of the Arts, à New York University, durant deux ans.
De retour en France en 1985, il débute sa carrière sur différents tournages comme électricien, puis réalise plusieurs courts métrages, dont In transit et Ce qui me meut, qui remportent de nombreux prix dans des festivals. Le second, finalisé en 1989, sera nommé au César du meilleur court métrage de fiction l’année suivante.
En 1992, Cédric Klapisch signe son premier long métrage : Riens du tout. Il en a réalisé ensuite treize autres depuis les années 1990 (Le péril jeune, Chacun cherche son chat, Un air de famille et Peut-être), puis dans le cadre d’une trilogie réunissant L’auberge espagnole (son plus grand succès en salles), Les poupées russes et Casse-tête chinois. Une suite en est écrite en compagnie de Lola Doillon (sa compagne) et Antoine Garceau, à savoir la série Greek Salad, diffusée au premier semestre 2023 sur Amazon Prime.
La réalisateur a alors de nouveau rencontré le succès grâce à En corps, sorti au cinéma au printemps 2022 et qui lui a valu neuf nominations aux César 2023. Il a participé également au lancement de la série Dix pour cent en qualité de directeur artistique de la première saison, dont il a réalisé deux épisodes.
2025 doit voir arriver un nouveau long métrage signé Cédric Klapisch, co-écrit avec Santiago Amigorena : La venue de l'avenir.
Critique
Trois minutes, ou à peine plus, et toute une époque. Celle de l’année de production des 30 opus de la collection pilotée par le CRIPS et Médecins du Monde : “3000 scénarios contre un virus”. 1994, donc. Les derniers mois de la présidence de Mitterrand et la prise de conscience de lutter enfin plus efficacement contre le fléau de la décennie écoulée, à savoir le sida, qui frappait durement toute une génération, et bien au-delà.
Une femme sort d’un immeuble, élégante dans son tailleur gris et en équilibre sur ses talons aiguilles. Chargée d’effets personnels, aussi, et portant un bocal avec un poisson rouge. Celui-ci donne son titre au film et la femme blonde qui se presse, c’est Valeria Bruni Tedeschi. Ancienne de l’école des Amandiers de Nanterre et biberonnée à la méthode Chéreau, elle vient de débouler dans le paysage du cinéma français et avait justement reçu en 1994 le César du meilleur espoir féminin pour Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel, de Laurence Ferreira-Barbosa. Elle y exprimait un sacré tempérament, pour un personnage se décalquant sur ces quelques deux cents secondes de film où elle parle toute seule, irritée par une dispute amoureuse, et arpente Paris. Elle passe ainsi en deux plans, comme par magie, de la rue de Belzunce, dans le Xe arrondissement, à la place du 18 juin 1940, au pied de la tour Montparnasse, où elle affronte un trafic automobile dense et périlleux. Forcément, elle lâche vite le bocal de son poisson, le dénommé Kiki, qu’elle doit secourir fissa alors qu’il frétille lamentablement sur le pavé parisien. Direction la pharmacie du coin, située juste à côté du Miramar, une salle vieillotte du réseau Rytmann, pour qui s’en souviendrait – toute une époque, on vous dit…
Dans l’officine, il y a foule. Et ce petit monde ressemble fort à la “famille Klapisch”, qui se trouve derrière la caméra pour une deuxième contribution à la collection, en plus de La chambre (également disponible sur Brefcinema). On reconnaît parmi les clients Simon Abkarian, Hiam Abbass et Zinedine Soualem, qui a un pansement sur l’œil (et son nom estropié au générique, transformé en “Zindine Soualen” !). Des complices, déjà, du cinéaste qui, dans sa carrière, en est alors au stade du deuxième long, Le péril jeune, montré à Cannes en 1994 avant de sortir au tout début de l’année suivante. Soit un peu plus de deux ans après Riens du tout, dans lequel Abkarian campait… un danseur grec !
Le slogan “Un préservatif peut sauver une vie” s’affiche plein écran sur le dernier plan, tandis que Kiki, en pleine forme, barbotte dans l’eau de sa capote gonflée comme un ballon d’anniversaire. C’était le message à faire passer et Klapisch l’accomplit par le biais de la blague tendre et ironique, l’une de ses marques de fabrique. Avec du Prokofiev (les notes sautillantes de Pierre et le loup, qui restent bien en tête…) et un riff des Breeders, dont le Cannonball avait été l’un des sons les plus emblématiques de 1993.
Trente ans après, tout cela tient encore la route. Et on ne meurt plus du sida, surtout. Klapisch, lui, s’apprête à sortir un nouveau long métrage au titre résolument optimiste : La venue de l’avenir. Avec Berléand, le pharmacien de Poisson rouge, en Victor Hugo. Cédric la malice, ou l’art d’abolir l’écart des décennies…
Christophe Chauville
Réalisation et scénario : Cédric Klapisch. Image : Dominique Colin. Montage : Francine Sableberg. Son : Cyril Moisson et Jean-Luc Laborde. Musique originale : Serge Prokofiev. Interprétation : Valeria Bruni Tedeschi, François Berléand, Simon Abkarian, Zinedine Soualem et Hiam Abbass. Production : CRIPS Île-de-France et Île Productions.