Extrait

Petite Reine

Julien Guetta

2023 - 24 minutes

France - Fiction

Production : Les Films Norfolk, Chevaldeuxtrois, Razel Films

synopsis

Stéphanie, mère célibataire, partage tout avec sa fille Léna : sa passion pour Angèle, ses fringues et même son journal intime dans lequel elle corrige ses oublis... Alors qu’elles se rendent à un concert d’Angèle avec Kali, la meilleure amie de Léna, Stéphanie va se rendre compte que sa "petite reine" a bien grandi.

Julien Guetta

Étudiant à l'EICAR, puis diplômé de la Fémis (département scénario) en 2009, Julien Guetta a réalisé plusieurs courts métrages remarqués, en l'occurrence Le vacant (en compétition à Brest en 2007 et à Clermont-Ferrand en 2008), Les ventres vides (2010) ou encore Lana Del Roy (2015), produit par les Films du Worso. Il signe aussi un court documentaire, Mémère, en 2011.

Il collabore à l’écriture du scénario de plusieurs longs métrages, notamment Le petit locataire, réalisé par Nadège Loiseau en 2016, et Joueurs de Marie Monge, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, en 2018.

Lauréat d’Émergence en 2017, il écrit et réalise son premier long métrage, Roulez jeunesse, interprété par Éric Judor et Laure Calamy et distribué au cinéma à l'été 2018.

Il continue à coécrire des films courts d'autres réalisateurs – par exemple le césarisé Les petites mains de Rémi Allier en 2017 ou Las cruces de Nicolas Boone en 2018 – et mène à bien un deuxième long : Les cadors. Réunissant Jean-Paul Rouve, Grégoire Ludig, Michel Blanc et Marie Gillain, le film débarque sur les grands écrans de l'Hexagone au début du mois de janvier 2023.

Julien Guetta revient ensuite à un format de court métrage avec Petite Reine, produit par les Films Norfolk et sélectionné dans de nombreux festivals. Il reçoit le Grand prix du Festival du film court en plein air de Grenoble en 2024, alors que le prix d'interprétation féminine est remis à sa comédienne Aude Pépin – déjà présente dans Le vacant – à Paris Courts devant. 

Critique

Avec Petite Reine, Julien Guetta revenait au format court après avoir signé deux longs métrages : Roulez jeunesse et Les cadors. Il retrouvait aussi le lien parent-enfant et passait au binôme mère-fille après avoir illustré les père-fils dans Le vacant, Les ventres vides et Lana Del Roy, après avoir suivi un homme soudain chargé de deux gamins dans Roulez jeunesse et après avoir visité la fratrie masculine dans Les cadors.

Petite Reine remet les femmes au centre du récit, douze ans après le portrait documentaire Mémère. Elles rayonnent d’énergie et d’émotions contrastées. Stéphanie est autant exubérante que Léna est mesurée. Jusqu’à ce que la coupe déborde. Il faut dire que rien ne fait obstacle à la génitrice célibataire endurcie et tout entière consacrée à son adolescente. L’intrusion est même de mise dans le rapport de l’aînée à sa cadette. Mais Léna n’en peut plus et le fait savoir, sous les yeux de son amie Kali, qui tente comme elle peut de calmer le jeu.

L’immersion reste le maître-mot de l’aventure, pensée et mise en scène par le réalisateur avec sa complice et scénariste Marianne Rapegno. L’objectif colle aux basques de Stéphanie, de son lieu de travail en bord de mer à sa déambulation nocturne dans le cœur de la ville de Lille. Portée ou fixe, la caméra accompagne l’héroïne et les deux ados dans la courte temporalité du récit, qui les fait passer par un éventail d’humeurs. L’occasion pour le cinéaste de dresser le portrait d’une mater entière, qui croque les sensations à pleines dents. Belle opportunité pour Aude Pépin (caissière de cinéma joviale dans Le vacant) de composer un rôle haut en couleurs, au propre comme au figuré. Avec ses rajouts capillaires, sa doudoune rose strassée, ses créoles et son sac brillant, elle traverse le film comme une tornade existentielle. Les curseurs sont poussés à fond pour donner à voir le jusqu’au-boutisme d’une battante qui veut combler sa fille en la maintenant dans son giron.

Le mélange des tons est bien dosé. Julien Guetta englobe road-movie, comédie, mélo et chronique sociale, en chantant la province, la ruralité et la terre populaire, qui vibre ici dans les Hauts-de-France aux chansons de la Belge Angèle. La frontalité du regard et des dialogues permet de mettre en lumière des êtres qui crèvent d’amour mutuel, mais se cognent au réel du besoin d’émancipation. La peur de l’abandon reste le centre à haute vulnérabilité de cette virée dans la grande ville. Tremplin des personnages pour se dire leurs vérités, jusqu’à finalement lâcher-prise, et pour l’auteur pour s’épanouir avec un périple généreux. Il le fait en alimentant joyeusement la fidélité à ses interprètes (Aude Pépin, Louise Labèque, Satya Dusaugey), au fil de sa filmographie baladeuse. Petite Reine réjouit autant qu’il amuse et qu’il émeut. Bourré d’éclats changeants, comme quand Léna lance à la vue de sa mère apprêtée : “Maman, on dirait une boule à facettes !”.

Olivier Pélisson

Réalisation : Julien Guetta. Scénario : Julien Guetta et Marianne Rapegno. Image : Juliette Barrat. Montage : Philippe Roger. Son : Emmanuel Bonnat, Damien Boitel et Aymeric Dupas. Interprétation : Aude Pépin, Louise Labèque, Rita Benmannana, Ludovic Berthillot, Satya Dusaugey et Charlotte Lacoste. Production : Les Films Norfolk, Chevaldeuxtrois et Razel Films.

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