Petit Spartacus
Sara Ganem
2023 - 27 minutes
France - Documentaire
Production : GREC
synopsis
Entre les eaux-de-vie et les blocs de l’Est, je navigue avec Spartacus, mon vélo qui parle grec. Mais même la grandeur du monde ne suffit pas à noyer ma peine.
biographie
Sara Ganem
Après des études de théâtre et de cinéma, Sara Ganem prend sa caméra pour faire des films “à l’envers” et se lance dans plusieurs road-movies autoproduits. De quelques voyages effectués à travers l'Europe naît son premier court métrage, Petit Spartacus, lequel a bénéficié du dispositif Grec Rush.
Celui-ci rencontre un vif succès dans de nombreux festivals, recevant notamment en 2023 le Prix du public de la compétition Bretagne et le Prix Brefcinema au Festival européen du film court de Brest, le Prix Canal+ à Cinemed, à Montpellier, et le Prix du public et une Mention du jury au Festival international du film indépendant de Bordeaux.
Le film aura également fait partie de la sélection officielle pour le César 2025 du meilleur court métrage documentaire.
Critique
Le premier court métrage de Sara Ganem est un récit au long cours fait de fragments qui font film après coup, dans une forme aussi heurtée que les voyages désorganisés et fauchés qu’elle accomplit en solitaire en tous sens à travers l’Europe.
Si le film est en vrac, c’est que l’âme de la réalisatrice l’est aussi. Elle le confesse au début sur un ton léger, le visage filmé depuis le tambour de la machine à laver. Elle le redit, plus crûment, une fois qu’on la connaît mieux et qu’on peut entendre pourquoi elle avait, depuis le début, la tête comme une lessiveuse, suite à ce qu’on n’appelait pas encore à l’époque des faits une soumission chimique. Le vélo qu’elle trouve par hasard au gré de son errance porte le nom de la marque Sparta. Elle le rebaptise “Petit Spartacus” et lui invente une destinée de fière monture hellène qui, justement (même s’il est romain), va la conduire jusqu’en Grèce dans une traversée de l’Europe. En Ulysse des temps modernes, elle aimerait, comme dans le poème de Joachim du Bellay, profiter du voyage pour revenir chez elle “pleine d’usage et raison”.
Petit Spartacus est un film de fugue qui ne comporte que des détours. Un film-puzzle constitué de morceaux éclatés qui nous désorientent, qui joue sur les mots, sur les sauts du concret à l’abstrait, qui prend la direction de l’est parce que sa protagoniste se trouve trop à l’ouest, qui prend la route pour “noyer le poisson”, qui contourne pour ne pas faire face. Film d’une grande liberté de ton, de forme, de narration, qui s’autorise à mixer les matériaux et à se construire par associations d’idées de la réalisatrice, qui intègre ses cahiers d’écolières, des cartes géographiques, des adresses à la caméra, des photos de touristes qu’elle rencontre au hasard des routes. Film sans le sou tourné caméra à l’épaule, il adopte les moyens de sa protagoniste qui décompte son RSA à rebours à mesure que son périple en grignote le capital. Il mélange la proximité physique des visages et la distance temporelle de la voix off qui unit ces éléments disparates en un collage resoudant les parties dissociées de Sara Ganem dans un dialogue socratique avec son vélo, qui parle grec et dont elle espère qu’il l’aidera à trouver des réponses à sa fuite en avant. Mais quelle était la question, au fait ?
Raphaëlle Pireyre
Réalisation, scénario et montage : Sara Ganem. Son : Cédric Perras et Mikaël Barre. Musique originale : Arthur Ganem. Production : GREC.


