Pas le temps
Camille Lugan
2021 - 12 minutes
France - Fiction
Production : Barney Productions
synopsis
Julie est coursière à vélo. Cette nuit, elle devait la passer avec son petit ami. Seulement, cette nuit, elle est obligée d’aller travailler. Car Julie est en “malus” et doit absolument rattraper son retard. Commence alors pour elle un contre-la-montre à travers Paris…
biographie
Camille Lugan
Née le 31 janvier 1989 à Paris, Camille Lugan a étudié la philosophie à l’ENS-Ulm, puis le scénario à la Fémis, où elle a réalisé en 2014 le court métrage Karama, Karama, qui obtenait alors le Prix du scénario au Poitiers Film Festival.
Après une expérience de programmation à Chicago en 2015, dans le cadre du Festival international du film, elle réalise un autre film court, La Persistente, produit par Caïmans Productions et présenté à Cannes, dans le cadre de la Semaine de la critique, puis au Festival Curtas de Vila do Conde en 2018.
Elle a également co-écrit plusieurs courts (parmi lesquels l’animation Un obus partout de Zaven Najjar, 2015) et longs métrages, dont les premiers de Samuel Doux et de Samir Guesmi, tout en développant le sien. De nouveau produit par Saïd Hamich, chez Barney Production, après un court métrage mené à bien ensemble, Pas le temps (2022), Selon Joy est présenté au Festival de venise 2024, au sein de la section “Giorni degli autori”, avant d'être distribué en salles par The Joker Films le 24 décembre 2025.
Critique
Un acte empreint de sensualité coupé court, rapidement, suite à l’injonction d’une voix-off, celle d’un homme pressant à l’autre bout du fil. Une adresse, une livraison. Julie, incarnée par Sonia Bonny, est une coursière en “malus”, c’est-à-dire qu’elle doit littéralement pédaler après le temps pour rattraper son retard. Le monde réel, charnel, se retrouve interrompu par la virtualité intimant de se mettre au pas.
Le dernier court métrage de Camille Lugan avant son passage au long avec Selon Joy est la chronique de l’activité précaire d’une coursière, le temps d’une nuit dans un Paris à la fois planant et affolant. À vive allure sur son vélo, Julie slalome entre les voitures et les engins mécaniques sur l’asphalte. Elle joue sa vie pour livrer un repas. Dans un mouvement frénétique et un récit ramassé, il y a la volonté de filmer Paris dans l’urgence, comme une sorte de jungle urbaine, avec ses oiseaux de nuit, striée de lumières tantôt aveuglantes, tantôt tamisées. Mise en lumière par Noé Bach, la nuit sculptée par le directeur de la photographie de, entre autres, Animalia de Sofia Alaoui et Diamant brut d’Agathe Riedinger, joue un véritable personnage à part entière.
Avec ce corps en tension, régi par la frénésie du capitalisme, on pense beaucoup à L’histoire de Souleymane de Boris Lojkine (avec une scène similaire montrant le mépris de restaurateur), ou de l’édifiant court documentaire La guerre des centimes de Nader S. Ayache ; de ces corps broyés par l’ubérisation prégnante de la société. Cette aliénation se traduit aussi bien physiquement que socialement.
Construire un mythe autour des courses à vélo (la voix à l’autre bout du fil évoque une mystérieuse flamme d’or, un objectif grisant à atteindre par certains coursiers roulant à toute vitesse) est-il une façon de convoquer un imaginaire hallucinatoire ou alors une nouvelle stratégie marketing pour pousser à faire du chiffre ? L’autre élan, le véritable enjeu narratif, c’est celui de Julie décidée à rejoindre son petit ami Tom (Jules Sagot), laissé plus tôt dans un moment suspendu. Rêver ou être amoureux ? Pas le temps, il faut y aller !
William Le Personnic
Réalisation et scénario : Camille Lugan. Image : Noé Bach. Montage : Nobuo Coste. Son : Gaël Eléon, Benoît Gargonne et Clément Laforce. Musique originale : Rémi Boubal. Interprétation : Sonia Bonny, Jules Sagot et Aristote Luyindula. Production : Barney Productions.


