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Paris-Marseille

Pierre Vinour

1990 - 4 minutes

France - Expérimental

Production : Lou Films

synopsis

Paris-Marseille à 11 000 km/h... Ce n’est pas la mer à boire !

Pierre Vinour

Pierre Vinour, né en 1960 à Limoges, partage sa vie entre Paris et le plateau de Millevaches, dans le Limousin. Il a réalisé deux longs métrages (Supernova en 2003 et Magma en 2010), huit courts métrages (dont Paris-Marseille, Les scorpions et Millevaches[Expérience], nommé aux César 2002), une installation vidéo, Éléments, et une quinzaine de films expérimentaux à ses débuts, dans les années 1980.

Il est également musicien depuis l'adolescence (dans le cadre du trio Nörd ou sur des musiques de films) et producteur, au sein des sociétés Lou Films, puis Les Enragés. En dehors de ses propres films, il a produit dix courts métrages et deux longs en coproduction européenne (Sauvages, de Tom Geens, en 2016 et Vincent et la fin du monde, de Christophe Van Rompaey, en 2018).

Il a également produit Sans adieu (Cannes, sélection Acid 2017) qu'il a dû achever après le décès du réalisateur Christophe Agou.

 

Critique

Le futurisme, ce mouvement artistique du début du XXe siècle, né en Italie et qui exaltait la vitesse, n’aurait sans doute même pas pu rêver l’expérimentation conduite par Pierre Vinour en 1990 : un voyage automobile express entre Paris et Marseille, en moins de quatre minutes. Si César compressait des voitures, là nous sommes à l’intérieur du véhicule et c’est le temps, cette matière première du cinéma, qui est compressé.

Mais avant même l’idée qu’il exploite, ce film expérimental constitue d’abord une expérience sensible, hypnotique. Nous sommes happés. Un peu comme lorsqu’un train démarre de l’autre côté du quai et que nous croyons que c’est le nôtre qui se met en mouvement, la pénétration à grande vitesse dans le paysage qui opère dans Paris-Marseille donne en même temps le sentiment que c’est le monde traversé qui vient à nous, nous aspire.

D’un côté, Pierre Vinour exacerbe et retrouve un des plaisirs primitifs du cinéma tel que Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi ont pu en revivifier le souvenir dans les premiers moments de Du pôle à l’équateur (1986), avec cet enchaînement de films des premiers temps qui reposent sur une caméra embarquée dans des trains. Et on pourrait multiplier les souvenirs de ces moments de cinéma où le réalisateur a planté sa caméra dans un véhicule qui file dans la campagne ou à travers les artères d’une métropole.

Mais, par sa vitesse au-delà du réel, Paris-Marseille fait aussi le lien avec une veine purement plastique – on peut songer à l’avant-dernière séquence de 2001, l’odyssée de l’espace – et un quasi sous-genre du court métrage, où la caméra – pixilation aidant – parcourt en accéléré des espaces, des rues, des cours intérieures…

Là où Paris-Marseille se distingue, c’est que le film n’est pas que pur mouvement ; nous sommes à l’intérieur de la voiture, à l’arrière, nous apercevons le visage du conducteur dans le rétroviseur, comme dans une fiction ou comme un souvenir d’enfance, auquel les rires et les babils qu’on entend font écho, et on ne peut s’empêcher, dans ce chaos d’images, de tenter d’identifier telle ou telle portion d’autoroute, tel ou tel paysage qui se transforme à vue d’œil, comme un concentré de France, entre deux eaux, celle inaugurale – la naissance du film entre les brosses d’un lavage automatique – et celle, terminale, de la mer dans laquelle le film est englouti.

En 1976, dans C’était un rendez-vous, Claude Lelouch traversait Paris en un seul plan-séquence de huit minutes trente avec sa Mercedes. En faisant Paris-Marseille en moins de quatre minutes, Pierre Vinour le bat à plate couture.

Jacques Kermabon

Réalisation : Pierre Vinour. Scénario : Pierre Vinour et Pascal Mieszala. Image : Éric Weber. Montage : Toby Trotter. Musique : Cyrille Dufay. Son : Frédéric Levé. Interprétation : Pascal Mieszala. Production : Lou Films.

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