Extrait
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Pacífico oscuro

Camila Beltrán

2020 - 11 minutes

France, Colombie - Fiction

Production : Films Grand Huit, Felina Films

synopsis

Il y a très longtemps, dans le Pacifique colombien, les femmes faisaient un pacte avec des forces pour apprendre à chanter. Mais petit à petit, tout ce que nous avons entendu de nos ancêtres est tombé dans l’oubli. Et depuis, quelque chose nous manque.

Camila Beltrán

Née en 1984 à Bogotá (Colombie), Camila Beltrán a commencé sa carrière au cinéma en tant que vidéaste et a réalisé plusieurs courts métrages expérimentaux, comme Le soleil brille (2007) et La mala hija (2010).

Arrivée en France, elle intègre l’école supérieure d’Arts de Paris-Cergy. Son premier court métrage de fiction autoproduit, Pedro malheur (2013), obtient la mention spéciale du jury au Festival de Clermont-Ferrand 2014. En 2016, elle réalise son deuxième court métrage, John Marr, produit cette fois par Films Grand Huit. Cette collaboration est renouvellée pour son film suivant, Pacífico oscuro,sélectionné dans de très nombreux festivals, entre autres Locarno, Clermont-Ferrand et Bogoshorts.

Le premier long métrage de Camila Beltrán, Mi bestia, coproduction entre France et Colombie, est sélectionné à l'Acid au Festival de Cannes 2024.

Critique

Les rivages de la Colombie sont bordés à l’Est par la mer des Caraïbes et à l’Ouest, au large d’une côte qui court du Panama à l’Équateur, par l’océan Pacifique. C’est dans l’écosystème de ce versant occidental, autrement nommé Colombie noire, que nous immerge ce troisième court métrage de Camila Beltrán. Entre Cali, Buenaventura et quelques villages côtiers, la cinéaste a suivi dans une démarche documentaire une communauté d’enfants et de jeunes femmes musiciennes. Celles-ci sont dépositaires de l’héritage qui innerve ce territoire dont la population est essentiellement composée de groupes indigènes et de populations afro-colombiennes, descendantes des esclaves “rapportés” d’Afrique entre le XVIe et le XIXe siècle. Comme le relate la voix rauque de la narratrice, en écho à “oscuro”, la noirceur présente dans le titre, l’océan est en colère.

Pacífico oscuro se présente comme un conte sur la mémoire volée, ici celle de ce patrimoine immatériel que constitue la musique. En voix off, une femme raconte une tradition ancienne, tombée dans l’oubli. “Quelque chose manque” : le folklore au sens noble se dissout, l’héritage part en fumée. Dans un collage nocturne, mystique et sensoriel, flirtant avec l’expérimental, des séquences en Super 8 côtoient du 35 mm, du found footage ou encore des images au rythme détraqué, dont la cadence a été modifiée au tournage – partition libre qui semble avoir été improvisée sur le plateau par le chef-opérateur Sylvain Verdet (collaborateur régulier de Clément Cogitore ou de Sébastien Betbeder). Au son, les rumeurs de la ville côtoient le souffle des vagues. Nous sommes plongés dans une scène musicale, un concert où les jeunes femmes jouent Pario la luna, un air du répertoire traditionnel du Pacifique colombien. Le souffle de l’océan s’entrelace au rythme des marimbas, instruments africains traditionnels dans la région.

Le choix de cette hybridité formelle opère pour rendre ce profond détraquage culturel, l’oppression sur les communautés afro-latinos qui dépossède la diaspora africaine des sons et légendes fondateurs de son identité. Le rythme du film embrasse celui de la musique perdue, comme pour lui permettre de résister, de réexister. Issue de l’École d’arts de Cergy, Camila Beltrán qui est également coproductrice de son film, travaille depuis ses premières vidéos une grammaire de cinéma hors des codes narratifs. Du côté de la poésie, elle capture ici la transe, l’onirisme et la magie, dans un langage attentif au détail, érudit dans sa technicité, qui parvient à rendre palpable hors champ la présence des forces mystiques.

Camila Beltran présente lors de cette édition 2024 du festival de Cannes son premier long métrage, Mi bestia, à l’Acid, récit de coming of age où une adolescente voit son corps se transformer, dans le quotidien teinté de folklore et croyances du Bogota des années 1990.

Cloé Tralci

Réalisation et scénario : Camila Beltrán. Image : Sylvain Verdet. Montage : Isabelle Proust. Son : Juan Felipe Rayo et Benjamin Rosier. Interprétation : Michel Mosquera Díaz, Danny Nicol Mayoma Rentería, Diana Yasuri Horozco Mayoma, Doris Nicol Viveros Díaz et Junior Piedrahíta. Production : Films Grand Huit et Felina Films.

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