Extrait
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Olla

Ariane Labed

2019 - 27 minutes

France, Grande-Bretagne - Fiction

Production : Apsara Films et Limp

synopsis

Olla a répondu à une annonce sur un site de rencontres de femmes de l’Est. Elle vient s’installer chez Pierre qui vit avec sa vieille mère. Mais rien ne va se passer comme prévu.

Ariane Labed

Née en 1984 à Athènes, Ariane Labed est de double nationalité française et grecque.

Après dix années de danse classique, elle entreprend des études de théâtre à l’université de Provence, à Aix, et fonde sa compagnie également franco-grecque et baptisée Vasistas, avec la metteuse en scène et comédienne Argyro Chioti.

Après avoir débuté sur scène, elle endosse, en 2010, le premier rôle du long métrage Attenberg, réalisé par Athiná-Rachél Tsangári, qui lui vaut la Coupe Volpi de la meilleure actrice à la Mostra de Venise la même année.

Entre 2011 et 2020, Ariane Labed sera apparue dans une vingtaine de films, dont Fidelio, l’odyssée d’Alice (2014) le premier long métrage de Lucie Borleteau, pour lequel elle a été distinguée du Léopard de la meilleure interprétation féminine au Festival international du film de Locarno en 2014 et nommée au César du meilleur espoir féminin l'année suivante.

En 2019, son premier court métrage, Olla, dont elle a en outre signé le scénario, rencontre un franc succès : sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs la même année, le film est triplement récompensé au Festival de Clermont-Ferrand 2020 (Grand prix de la compétition nationale, Prix étudiant et Prix SACD de la meilleure première œuvre de fiction).

On la retrouve en tant qu'actrice dans la série L'Opéra (2021-2022) et au cinéma, en 2023, dans Le Vourdalak d'Adrien Beau et Avant l'effondrement d'Alice Zeniter et Benoît Volnais.

Critique

Avec Olla, court métrage de vingt-sept minutes présenté en 2019 à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, l’actrice française Ariane Labed fait ses débuts au cinéma en tant que réalisatrice. Comme elle nous l’a confié dans un entretien pour le n°126 de Bref, ce passage à la réalisation a été pour elle assez naturel. Le cinéma, dit-elle, “c’était déjà ce que je faisais. Je faisais des films. Ce que j’avais envie de faire avec Olla, c’était de regarder et pas d’être regardée.” 

Olla, c’est Lola de Jacques Demy que le film de Labed, à travers une substitution de prénom imposé, évoque dès ses premières séquences. Comme LolaOlla met en scène une prostituée et joue avec les stéréotypes de la femme-objet. Mais plus que le film de 1961 de Demy, Labed prend pour modèle Jeanne Dielman… de Chantal Akerman (1976). Comme ce chef-d’œuvre du cinéma des années 1970, Olla est un film à la fois sur les gestes domestiques, dont chacun est chorégraphié comme un pas de danse, et sur le ballet mécanique de la vie conjugale. 

Provocateur et malsain, tragique et comique, théâtral et rugueux, épousant un rythme intense et implacable, ce court métrage ne laisse pas indifférent. Qui est cette femme ? D’où vient-elle ? Que vient-elle faire dans ce village périurbain ? Ariane Labed répond à ces questions sans jamais vraiment y répondre. Fantôme ou apparition, Olla sort de la brume. Évitant l’écueil d’un cinéma social dogmatique, Labed dessine une espèce de conte ou cauchemar pour adultes et travaille à rebours les stéréotypes de genre ; ceux, notamment, de la femme réduite à la fonction de poupée mécanique qui cuisine, nettoie, fait les courses, danse et doit écarter les jambes ad libitum. Avec cet objet de désir commandé par Internet (un peu comme dans la série Real Human), on est ici à la fois dans la science-fiction et dans le film à charge, détaillant au scalpel quelques attributs de la domination masculine dans l’espace domestique. Le tour de force de la réalisatrice consiste à proposer pour Olla une réappropriation suivie d’une émancipation à travers une série de séquences toutes plus troublantes les unes que les autres : celle où elle se masturbe dans la cuisine, celle où elle se prostitue et exécute une série de fellations et celle où elle danse et se frotte contre les murs du salon. Ces séquences en apparence malsaines ont toutes une fonction salutaire. Chacune permet à l’héroïne une réappropriation (sexuelle, sociale, domestique ou spirituelle). Le malsain ici, c’est le mâle qu’on croyait sain. C’est celui qui n’est pas vraiment méchant, qui sourit et qui, gentiment, platement, banalement, mécaniquement, ordonne et/ou conditionne. 

Nous avons évoqué Akerman comme l’une des références centrales de Labed. On ne peut, en voyant Olla jusqu’au bout, que penser au court métrage Saute ma ville (1968), dans lequel le personnage, interprété par la réalisatrice elle-même, mime avec une rage destructrice les gestes de son quotidien domestique avant de tout faire sauter – y compris elle-même – en ouvrant le gaz et en mettant le feu. Olla aussi met le feu et, sans tuer personne, s’en retourne en laissant derrière elle le monde qui l’a vu naître. L’explosion, quant à elle, reste dans le hors champ. C’est un autre espace à parcourir, un autre film à faire. 

Donald James 

Réalisation et scénario : Ariane Labed. Image : Balthazar Lab. Montage : Yorgos Mavropsaridis. Son : Johnnie Burn et Sergio Henriquez Martinez. Interprétation : Romanna Lobach, Grégoire Tachnakian, Jenny Bellay, Gall Gaspard et Ginger Roman. Production : Apsara Films et Limp.