Extrait
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Music for One Apartment and Six Drummers

Ola Simonsson, Johannes Stjärne Nilsson

2001 - 9 minutes

Suède - Fiction

Production : Kostr-Film

synopsis

Six batteurs profitent du départ de locataires pour investir leur appartement et donner à partir de simples objets, un concert en quatre mouvements : cuisine, chambre, salle de bains et salon.

Ola Simonsson

Né le 25 février 1969 à Lund, au nord-est de Malmöe, en Suède, Ola Simonsson est réalisateur, acteur et scénariste suédois, mais aussi musicien et chanteur. Il a étudié à la Malmö Music Academy et a fondé avec son ami d'enfance Johannes Stjärne Nilsson la société de production Kostr-Film en 1995.

Le duo a réalisé plus de 30 courts métrages sélectionnés et primés dans de nombreux festivals, comme Nowhere Man (1996), Hotel Riene (2002), Way of the Flounder (2005), Woman and Gramophon (2006), etc. Le plus célèbre de ces films courts est Music for One Apartment and Six Drummers, projeté en compétition officielle des courts métrages au Festival de Cannes 2001.

Sur le format du long métrage, Sound of Noise, signé du même tandem, a été montré à la Semaine de la critique en 2010.

Johannes Stjärne Nilsson

Né le 24 mars 1969 à Lund, au nord-est de Malmöe, en Suède, Johannes Stjärne Nilsson est réalisateur, producteur, scénariste, mais aussi graphiste et illustrateur. Il a étudié le design industriel au National College of Arts and Crafts de Stockholm et a fondé avec son ami d'enfance Ola Simmonsson la société de production Kostr-Film en 1995.

Le duo a réalisé plus de 30 courts métrages sélectionnés et primés dans de nombreux festivals, comme Nowhere Man (1996), Hotel Riene (2002), Way of the Flounder (2005), Woman and Gramophon (2006), etc. Le plus célèbre de ces films courts est Music for One Apartment and Six Drummers, projeté en compétition officielle des courts métrages au Festival de Cannes 2001.

Sur le format du long métrage, Sound of Noise, signé du même tandem, a été montré à la Semaine de la critique en 2010.

Critique

Attention, classique ! Il est toujours intéressant de revoir un film-phénomène des années après, pour prendre la mesure de ce qui marchait, de ce qui faisait sa singularité et de ce qui peut-être ne fonctionne plus – ou moins bien. Du reste, Music for One Apartment and Six Drummers, sélectionné à Cannes en 2001, a traversé le temps, auréolé d’une réputation enviable, continuant d’être montré, célébré, sans que l’on sache bien si ses fans s’attachent au film lui-même ou à la nostalgie du moment de la découverte en festival (ou ailleurs), à l’orée du XXIe siècle. Revoyons-le, alors. Et écoutons. 

Ce court métrage suédois, dont les fondations sont le son et la musique, est divisé en quatre parties correspondant chacune à autant de morceaux différents et autant de pièces d’un appartement. Il y a dès lors évidemment des moments plus faibles, des faces A (la cuisine et la salle de bains ?) et des faces B (la chambre et le salon ?), qui ne seront pas les mêmes selon le goût des spectateurs. 

Si le film n’a pas vraiment de scénario, les six batteurs, eux, ont un plan (au sens propre comme au sens figuré) et le film ne déviera presque pas de son programme (on y reviendra), certes séducteur mais intrinsèquement limité. 

S’il paraît logique que le film s’achève dans le salon, la plus grande pièce, l’endroit où il est manifeste qu’il faille finir, l’enchaînement des séquences entre les trois autres lieux aurait pu être aléatoire, constat atténuant la tension dramatique, voire l’intérêt, et rapprochant sciemment ce court métrage de la performance ou de l’installation. 

Mais cette séquence du salon, c’est aussi le moment où le film finit par dévier de son programme. À la fois volontairement (le compte à rebours déborde les musiciens, les habitants rentrent dans l’appartement avant que les intrus n’aient vidé les lieux), mais un peu maladroitement aussi. En effet, trahissant l’impassibilité (le professionnalisme ?) des protagonistes, le seul personnage féminin (pour la parité, on repassera) se met soudain à danser en rythme, marquer la mesure, gagné par un plaisir jusqu’alors habilement tenu à distance et laissé, justement, au seul spectateur. Petite maladresse où un personnage-acteur d’un dispositif très rigide s’émancipe, change bizarrement de statut, surlignant un peu trop ce qui se joue (jouir de la musique). Cette maladresse, si c’en est une, nous était apparue d’ailleurs dès 2001 comme un détail qui n’allait pas, équivalent, disons, dans tant d’autres films de l’insistant regard-caméra prenant à témoin un spectateur qui n’en demandait pas tant.  

Cela n’est pas si grave, évidemment, car Music for One Apartment and Six Drummers est avant tout un éloge de l’artifice : la narration repose sur des figures usées (le film de casse, genre en soi programmatique), sur des archétypes (à chaque musicien son look bien identifiable), sur des plans fonctionnant comme des clichés (les six activistes musicaux cheminant vers l’immeuble) et sur un ressort narratif, la chute (soit : le retour des habitants), permettant à la fois de boucler la boucle et de clore ce spectacle totalement gratuit sur une pirouette humoristique, tout en dédoublant notre regard complice, soudain décillé, par celui, interloqué, des propriétaires. 

Mais, à revoir le film aujourd’hui, on est en droit de regretter la fragmentation de séquences hyper-découpées, ce qui atténue finalement la dimension spectaculaire d’une performance musicale dont on ne sait plus trop si elle fut réelle ou retouchée au mixage, en post-production. Ainsi, ce que révèle la multiplication des plans – comme autant d’overdubs musicaux empilés en studio – peut apparaître aujourd’hui comme une certaine facilité. Surtout si l’on compare le film à des clips/performances tournés quelques années plus tard et reposant, à l’inverse, sur la longueur et le plan-séquence : celui de Here it Goes Again de OK Go (2009) de manière exemplaire, même si la performance ne concerne pas là l’exécution de la musique mais celle d’une chorégraphie.  

Au-delà de ces questions formelles, des maladresses ou des facilités éventuelles, demeure l’essentiel, qui rend le film si jubilatoire : Music for One Apartment and Six Drummers est un film qui est adressé. À un tiers, à une audience. Pas d’histoire, pas d’existence sans eux. Le film ne fonctionne que dans le regard – et l’écoute – du spectateur. Sans scénario préexistant. C’est aussi la paradoxale beauté du film que de feindre à l’image l’absence de regards extérieurs – les batteurs font de la musique, gratuitement, pour la beauté du geste – quand tout repose en réalité sur nous autres récepteurs et sur la captation de la performance par les cinéastes (le même film avec ses protagonistes n’enregistrant/ne filmant aucune trace numérique serait assez inimaginable aujourd’hui, à l’ère du smartphone et des réseaux sociaux). 

Ceci posé, il était sans doute impossible de reproduire la chose sur une longueur plus conséquente. Ola Simonsson & Johannes Stjärne Nilsson s’y essayèrent pourtant avec Sound of Noise, long métrage qui fut sélectionné à Cannes, à la Semaine de la critique, en 2010. En créant un récit, en imaginant un personnage de policier enquêtant autour des performances musicales des six batteurs, Sound of Noise rentrait dans le rang, plus gentiment fantaisiste que foncièrement dingo, capitalisant sur l’originalité de scènes musicales ponctuellement mises au service d’un récit sans intérêt. Comme quoi, la transposition d’un single à succès en album-concept, non, ce n’est pas une évidence. 

Stéphane Kahn 

Réalisation et scéanario : Ola Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson. Image : Johannes Stjärne Nilsson, Charlotta Tengroth et Robert Blom. Son : Hâkon Gaperstad. Musique originale : Ola Simonsson. Interprétation : Johannes Björk, Magnus Börjeson, Marcus Haraldson, Myrh Fredrik, Sanna Personn, Anders Vestergârd, Barbro Gustafson, Lôfgren, Zerny Thor, Anders Jansson et Salsa. Production : Kostr-Film.

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