
2014 - 30 minutes
France - Fiction
Production : Sésame Films
synopsis
Rémi convoie d’hypothétiques investisseurs chinois. Yan distribue des prospectus déguisé en poulet. Il est donc logique qu’ils se rencontrent. Mais pour eux, c’est tellement inattendu.
biographie
Sylvain Desclous
Né en 1973 à Créteil, Sylvain Desclous a exercé différentes professions, avant de devenir réalisateur à travers un premier court métrage, L’autre rive, en 2007. Il en signait ensuite plusieurs autres : Là-bas (2009), Flaubert et le buisson (2010), Le monde à l’envers (2012) et Mon héros (2014).
Il se lançait alors dans l'aventure de son premier long métrage, Vendeur (2016), une fiction filiale avec Gilbert Melki et Pio Marmaï. Il revenait en 2020 au format court à la faveur de deux films documentaires : La peau dure, autour de la figure d'un “flibustier” de Preuilly-sur-Claise, et Valentina, à l’Est, dans lequel il part sur les traces d'une jeune femme russe rencontrée au milieu des années 1990.
Au printemps 2022 était distribué en salles son long métrage La campagne de France, documentaire où le réalisateur filme l’élection municipale dans un village d’Indre-et-Loire.
Une fiction suivait au printemps 2023, intitulée De grandes espérances et réunissant Rebecca Marder, Benjamin Lavernhe et Emmanuelle Bercot.
Le réalisateur devait alors enchaîner rapidement avec Le système Victoria, distribué en mars 2025 et qui lui permet de retrouver Damien Bonnard, qu'il avait déjà dirigé dans Mon héros et Vendeur.
Critique
Nommé au César du court métrage en 2016, Mon héros est le cinquième opus court de Sylvain Desclous, juste avant que celui-ci passe au format long avec Vendeur, sorti en salles cette même année. Le monde du travail et la place que trouve ou pas l’être humain sont déjà et encore en question. Quel épanouissement procure la course à la réussite sociale par l’emploi, par l’entreprise, par la bonne marche hiérarchique, par la rentabilité, par le dossier bien mené à terme ? C’est ce à quoi le scénario confronte deux frangins que rien ne prédestinait à se retrouver dans une zone commerciale de province, si ce n’est le hasard de leur job respectif du moment. Une rencontre par agendas interposés, qui n’arrive pas vraiment à se faire dans un premier temps, pour finalement avoir lieu par les imprévus du récit, et du trajet narratif des personnages, qui les poussent à rester sur place.
Acteur fétiche du cinéaste, Damien Bonnard, également à l’affiche du Monde à l’envers, de Vendeur, du tout récent Système Victoria et vocalement dans Valentina à l’Est, campe Rémi, face à Guillaume Viry, lui aussi présent dans Le monde à l’envers et Vendeur, dans la peau de Yan. Ce duo de frères forme les facettes d’une pièce qui s’est disloquée à la mort de leur mère, et qui retrouve du sens à la faveur d’une parenthèse forcée. Et finalement bénéfique. Sylvain Desclous stoppe la machine implacable du quotidien aliénant et de la rentabilité en accordant une pause à ses protagonistes, tout comme il joue de l’opposition entre celui qui veut réussir (Rémi) et celui qui se laisse aller au gré des emplois de passage (Yan). Se faire plumer par le système du capitalisme ou distribuer des flyers, déguisé en poulet, telles sont les deux options…
Le réalisateur ne prend pas parti entre les deux, mais donne à voir un moment décalé. Le ton se trouve via une simplicité de mise en scène sans effets, et par l’incursion des vents du dehors, qui aèrent la machine déshumanisante et programmée du travail et des zones urbaines impersonnelles. Ce sont des accords de bossa-nova à la bande son, un camion rempli de moutons, des costumes de super-héros ou une piscine Tournesol, théâtre d’une fin de soirée arrosée. Le format large accueille les décors et les visages masculins, comme autant d’individualités qui trouvent de la respiration en faisant corps collectif. De l’étranger (des Chinois arrivés pour leur première fois en France) à la douce étrangeté (des empêchements, un burlesque alangui, une mélancolie), il n’y a qu’un pas, que le périple drolatique franchit en à peine une demi-heure. Entre les lignes, cette aventure raconte les rêves enfuis, les frustrations et les désillusions. Mais la fatalité se fissure quand même, grâce à des rayons chaleureux et irremplaçables. Ceux du vivre-ensemble, pour une heure ou un peu plus. Le temps de se réchauffer dans l’altérité.
Olivier Pélisson
Réalisation et scénario: Sylvain Desclous. Image : Emmanuel Soyer. Montage : Isabelle Poudevigne. Son : Alexis Farou, Alexandre Hecker et Christophe Vingtrinier. Musique originale : Amaury Chabauty. Interprétation : Guillaume Viry, Damien Bonnard, Esteban et Anthoy Palliotti. Production : Sésame Films.