Extrait
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Mimi de Douarnenez

Sébastien Betbeder

2023 - 39 minutes

France - Fiction

Production : Envie de tempête Productions

synopsis

Mimi habite à Douarnenez depuis toujours, près de ses amis et de son père récemment veuf. Mimi est le genre de fille qui prend la vie comme elle vient (même si la vie met parfois sur son chemin des embûches ou, dans ses chaussures, des cailloux).

Sébastien Betbeder

Né en 1975 à Pau (Pyrénées-Atlantiques), Sébastien Betbeder intègre, après des études aux Beaux-arts de Bordeaux, le Studio national des arts contemporains du Fresnoy.

Il réalise ensuite plusieurs courts métrages (Les mains d’Andréa, Nu devant un fantôme), puis un premier long d’inspiration fantastique, Nuage, qui est présenté au Festival de Locarno et sort en salles en 2007. Suivent Les nuits avec Théodore (sélectionné à Toronto, Prix Fipresci au Festival de San Francisco) et 2 automnes 3 hivers (présenté par l’ACID au festival de Cannes 2013 et Prix spécial du jury au Festival de Turin), une dramédie qui suit le parcours de trentenaires en prise avec les préoccupations de l’époque.

En 2014, Inupiluk reçoit le Prix Jean-Vigo du court métrage et le Prix du public au Festival de Clermont-Ferrand). Suivi par Le film que nous tournerons au Groenland, il compose une trilogie dont Le voyage au Groenland constitue le dernier volet. Présenté pour la première fois à Cannes en mai 2016, au sein de la programmation de l’ACID, il s’est vu décerner une mention spéciale du jury au Festival international du film francophone de Namur. Sébastien Betbeder écrit également e,n parallèle des fictions radiophoniques pour France Culture.

En 2016, il réalise Marie et les naufragés, interprété par Pierre Rochefort, Éric Cantona et Vimala Pons. La même année sort un autre long métrage : Le voyage au Groenland (2016). Ulysse & Mona et Debout sur la montage sont ensuite tous deux dsitribués en 2019.

Sébastien Betbeder fait alors son retour au format court avec Jusqu'à l'os. Ce film, sélectionné dans de nombreux festivals, sert de base à Tout fout le camp, long métrage à l'affiche au cinéma à la rentrée 2022.

Entretemps, le réalisateur aura achevé Planète triste, un moyen métrage présenté à Clermont-Ferrand et à Brive. Dans un format similaire, Mimi de Douarnenez suit en 2023, avec le même succès, tandis que son réalisateur se tourne à nouveau vers le long métrage, à travers L'incroyable femme des neiges, tourné au printemps 2024 dans le Haut-Doubs et au Groenland – et interprété par Blanche Gardin, Philippe Katerine et Bastien Bouillon. Le film est présenté l'année suivante au Festival de Berlin, dans la section “Panorama”.

Betbeder continue sans relâche d'alterner les durées, confectionnant un singulier film d'atelier utilisant l'IA, Une tentative d'évasion, présenté en compétition nationale au Festival de Clermont-Ferrand en 2025. On y retrouve notamment Sébastien Chassagne.

Critique

À travers le personnage de Mimi, employée dans un cinéma art et essai de Douarnenez, Sébastien Betbeder dresse le portrait d’un secteur en crise. Fréquenté par un public de plus en plus rare et vieillissant ("une sortie d’Ehpad", ironise la jeune femme), le Club pâtit, comme bien d’autres salles, du Covid et de la concurrence des plateformes. Présente sur tous les fronts, Mimi porte le lieu à bout de bras alors que plus rien ne semble pouvoir lutter contre "la mort du cinéma". Seule Madame Yoshino, unique et fidèle spectatrice de la salle, donne encore un sens à son travail : arrivant équipée de son caddie, comme si elle venait se nourrir d’images en mouvement, le cinéma représente pour elle une activité essentielle. Elle se distingue par sa position, au centre du cadre, entourée de chaises vides, autant que par son enthousiasme à toute épreuve.

Tout s’écroule en réalité autour de Mimi, dont la mère est décédée il y a peu de temps et qui voit un adolescent sauter d’un balcon par amour pour elle. Malgré leur noirceur, ces événements sont dépeints avec humour : la première serait "morte d’ennui" quand la chute du second se solde par une jambe cassée, dont l’image exagérément gore prête à sourire. Mimi, loser attachante au volant de sa voiture de mini-golf, commente ce quotidien morose avec une voix-off nonchalante et pleine d’autodérision. Ses retrouvailles avec Gaspard de Kermarec, une ancienne connaissance venue présenter son film au cinéma, se révèlent tout aussi désastreuses. Alors qu’elle l’effraie par ses manières bourrues (notamment lors d’une hilarante scène de repas), il apparaît comme un piètre réalisateur, dont l’arrogance parisienne ne suffit pas à dissimuler l’angoisse profonde. Si les personnages butent d’abord l’un contre l’autre, gauches et embarrassés, les masques tombent en même temps que le jour et une détresse commune les réunissent alors.

Oscillant entre légèreté et mélancolie, le film entier semble pouvoir être résumé par son image finale : un gros plan sur le visage de Mimi, regardant son père jouer du tuba devant la tombe de sa mère, avec un sourire triste. Le résultat importe ici moins que l’intention et la maladresse avec laquelle le veuf exécute le morceau rend d’autant plus émouvant cet ultime témoignage d’amour. De la même manière, la poursuite impossible d’une relation entre Mimi et Gaspard n’annule pas la chaleur réconfortante de leur rencontre qui aura illuminé, le temps d’une nuit, leurs existences cabossées.

Chloé Cavillier

Texte paru dans Bref n°129, 2024.

Réalisation, scénario et montage : Sébastien Betbeder. Image : Romain Le Bonniec. Son : Olivier Pelletier, Dorian Racin, Claire-Anne Largeron et Roman Dymny. Musique originale : Franck Marguin et Geoffroy Montel. Interprétation : Valentine Verhague, Ferdinand Niquet-Rioux, Paul Moulin, Michiko Yoshino, Nolwenn Korbel et Raphaël Ruault. Production : Envie de tempête Productions.

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