
2010 - 32 minutes
France - Documentaire
Production : Sombrero Films/Les Films du Dimanche
synopsis
Exhumés après vingt-cinq ans, des films 8 millimètres donnent lieu à une médiation sur le destin d’une famille et d’une génération. “Méditerranées” est une autofiction, l’histoire d’un couple, d’une famille, qui se confond avec l’histoire de l’Algérie et de la France des années 1960, sur lequel Olivier Py porte un regard à la fois lucide et nostalgique.
biographie
Olivier Py
Olivier Py est né le 24 juillet 1965 à Grasse. Il a plusieurs cordes à son arc : dramaturge, metteur en scène, comédien, chanteur et réalisateur. Après des études à l'Institut Stanislas de Cannes et une préparation en hypokhâgne et khâgne au Lycée Fénelon, il entre à l'ENSATT (École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre), puis, en 1987, au Conservatoire national supérieur d'art dramatique.
En 1988, sa première pièce Des oranges et des ongles est créée par Didier Lafaye au théâtre Essaïon. La même année, il fonde sa propre compagnie "L'inconvénient des boutures" et assure la mise en scène de ses textes. En 1997, il est nommé directeur du Centre dramatique national d'Orléans et devient en mars 2007 directeur du Théâtre national de l’Odéon, qu'il quitte en mars 2012. Empreint de théologie, de philosophie et de métaphysique, le théâtre d’Olivier Py est fait d’excès, un excès lyrique et revendiqué comme tel, de sorte qu’il suscite souvent de vives réactions, positives ou négatives. Salué pour son intégrale du Soulier de satin de Claudel et ses mises en scène à l'opéra, il fut lauréat de la Fondation Beaumarchais, Prix Nouveau Talent Théâtre/SACD en 1996 et Prix Jeune Théâtre de l'Académie française. Il tourne un premier film intitulé Les yeux fermés, en 2000, fiction qui relate une histoire d’amour. Onze ans plus tard, il réalise Méditerranées, un film racontant le destin de sa propre famille, sur lequel il porte un regard à la fois lucide et nostalgique. En 2014, il devient directeur du Festival d’Avignon, poste qu'il va conserver jusqu'en 2022.
Olivier Py vient de débuter le tournage de son premier long métrage Le Molière imaginaire, dans lequel il réunit devant sa caméra Laurent Lafitte et Jeanne Balibar, entre autres.
Critique
On rencontre parfois des films dont il est opportun de connaître la genèse pour pouvoir en saisir toute la nécessité. Figure très estimée du théâtre, Olivier Py n’avait jusqu’alors réalisé pour l’écran qu’une fiction longue (Les yeux fermés, pour Arte, en 2000) et s’est attelé à la réalisation de ce premier court métrage après avoir retrouvé chez son père des bobines de 8 mm, supports de films de famille qu’il n’avait pas vus depuis trente-cinq ans (certains lui étant même restés parfaitement inconnus). Sa réaction en les redécouvrant a été évidemment différente de ses souvenirs, et l’intention d’en faire un film a mûri, menant à une véritable quête des origines, puisque les images – à la belle facture des pellicules Kodak des années 1960 – montrent la famille du cinéaste entre 1961, date à laquelle sa mère fait l’acquisition de la caméra, et 1974, alors qu’Olivier Py a presque dix ans et qu’il se voit confier l’appareil. Cette famille de pieds-noirs a traversé la Méditerranée lors de l’indépendance de l’Algérie et s’est ins-tallée en métropole, ce qui donne à la nature intime de ces séquences une belle universalité, retraçant en filigrane l’histoire d’une génération, sinon d’un pays et même d’une identité qui, vieille de plusieurs millénaires, est attachée à la Méditerranée, envisagée non seulement comme une donnée géographique mais aussi comme un concept.
Olivier Py a écrit et assure lui-même le commentaire en voix off, tantôt empreint d’une neutralité documentaire, tantôt lyrique et laissant parler une fibre personnelle et viscérale. Le montage lui permet de se (et de nous) poser des questions purement cinématographiques sur la représentation, jamais anodine (ainsi, la première image jamais tournée par sa mère est instinctivement celle de la mer), et sur l’inscription de la petite histoire, individuelle et familiale, dans la grande. Ainsi en Algérie ses parents filment-ils la joie de vivre, alors que le pays est plongé dans les tragiques événements que l’on sait, et pourtant on remarque au détour d’un mouvement de caméra des carcasses de voitures plastiquées ou des jeunes gens tapotant sur la carrosserie d’une voiture le fameux slogan “Algérie française”...
“Qu’est-ce qu’un fait historique ?” s’interroge le réalisateur. Il répond en racontant en creux une guerre et un déracinement, à hauteur d’hommes et de femmes, communiquant au spectateur sa propre émotion et prouvant, si besoin est, que l’autofiction peut s’affranchir de l’écueil du narcissisme.
Christophe Chauville
Article paru dans Bref n°101, 2012.
Réalisation et scénario : Olivier Py. Montage : Lise Beaulieu. Son : Jean-Noël Yven. Interprétation : Olivier Py. Production : Sombrero Films et Les Films du Dimanche.