
Mauvaise troupe
Nolwenn Lemesle
2021 - 24 minutes
France, Belgique - Fiction
Production : Takami Productions, On Move Productions
synopsis
Comme tous les soirs, Gaëlle, 10 ans, s’occupe seule de son petit frère Kylian tandis que leur père Tony travaille de nuit. Tous les trois survivent dans ce fragile équilibre lorsque les services sociaux viennent sonner à leur porte...
biographie
Nolwenn Lemesle
Née en 1978 en Bretagne, Nolwenn Lemesle a suivi des études de cinéma à Rennes, puis à Paris, obtenant un Master en Écritures cinématographiques et audiovisuelles, spécialité scénario, à Paris 1-Panthéon/Sorbonne.
Elle signe un premier court métrage, Poids plume, en 2005. Produit par le Grec, il est remarqué dans de nombreux festivals (Aix-en-Provence, Brest, Grenoble…) et la jeune réalisatrice enchaîne avec un autre film court, Sid, en 2007.
Elle se consacre alors à son premier long métrage, Des morceaux de moi, qui est distribué au cinéma en 2013. Il réunit Zabou Breitman, Tchéky Karyo et la jeune Adèle Exarchopoulos, quelques mois avant la Palme d'or obtenue à Cannes par La vie d'Adèle d'Abdellatif Kéchiche.
En 2021, elle signe un téléfilm pour Arte, Les héritières, tout en revenant au format court avec Mauvaise troupe, interprété par Guillaume Gouix et ses propres enfants, Zélie et Lino Boulant-Lesmesle.
Critique
Nolwenn Lemesle l’explique et le revendique : c’est à la suite d’un projet de long métrage avorté (son deuxième, après Des morceaux de moi, sorti en 2013), et pour répondre à un désir irrépressible de tourner, qu’elle est alors revenue au format court, le terrain sur lequel elle avait fait ses armes, pour livrer un vrai “film de mise en scène”. Avec une simplicité narrative délibérée, en recentrant le point de vue de sa jeune protagoniste, Gaëlle, âgée de dix ans, alors que les services sociaux ont mis le nez dans la situation de ce foyer sans mère qu’elle compose avec son père – qui travaille comme une brute, et de nuit, les laissant donc seuls… – et son petit frère Kylian, dont elle s’occupe comme une petite maman. La réaction de Tony Mahé, le père acculé, est de prendre la fuite alors que les fonctionnaires, flanqués de la police, sont venus taper à sa porte (la menace est ainsi hors champ). Tony fait ce qu’il peut, mais risque de se voir retirer la garde de ses gosses ; alors, il perd le sens de la mesure et se met, de façon banale, hors la loi. Un pote à qui il demande de les héberger en a davantage conscience : il risquerait gros, au regard de la loi, en acceptant et bredouille une excuse pour botter en touche…
La sensation d’urgence est la vertu majeure de ce film qui réussit à rejoindre son pari de privilégier la mise en scène, que de constituer, selon le mot de son coscénariste Ronan Bertrand, un “anti-road movie”. Tony roule avec ses enfants lestés de leurs affaires dans leur sac à dos, ils pique-niquent et dorment dans la caisse, s’arrêtent sur des parkings ou sur le bord de routes de campagne, mais leur trajectoire n’est pas celle inhérente au genre, cinématographiquement parlant, qui entraîne généralement vers la liberté, un avenir meilleur, une émancipation. Au contraire, la voiture, comme la situation de ses occupants, tourne en rond. Pas d’échappatoire : la pince de l’administration s’est refermée, on imagine aisément la suite post-générique. Le trio de Mauvaise troupe est bien “en route”, comme le titre évoque cette expression populaire consacrée, mais des écueils s’annoncent très vite en travers du chemin, dans cet hiver dont la rudesse jaillit des couleurs froides, bleutées, de l’image.
Dans un registre identifié de film social “loachien”, avec caméra embarquée, très tonique, et plans rapprochés sur les visages, Nolwenn Lemesle excelle à diriger les interprètes des deux enfants de l’histoire, qui ne sont autres que les siens – ce qui n’est donc pas une mince affaire. Un tropisme chez elle, puisque c’était aussi un point fort de Poids plume, le film de ses débuts, il y a deux décennies, puis de Sid dans la foulée, et enfin de Des morceaux de moi, où elle dirigeait la jeune Adèle Exarchopoulos, déjà débordante d’énergie avant de se révéler plus amplement avec La vie d’Adèle : chapitres 1 et 2. Son personnage décidait finalement de quitter le nid familial pour changer de vie et la Gaëlle de Mauvaise troupe précipite à son tour la résolution du problème : elle veut rentrer à la maison, connaissant les conséquences possibles d’un tel choix. Son père y consent ; au bout du compte, elle est l’adulte dans la pièce, ou du moins dans le véhicule.
Christophe Chauville
Réalisation : Nolwenn Lemesle. Scénario : Nolwenn Lemesle et Ronan Bertrand. Image : Quentin Devillers. Montage : Louise Decelle. Son : Ludovic Van Pachterbeke, Sébastien Savine et Emmanuel Croset. Musique originale : Ronan Maillard. Interprétation : Guillaume Gouix, Zélie Boulant-Lemesle, Lino Boulant-Lemesle et Guillaume Pottier. Production : Takami Productions et On Move Productions.