Extrait
Partager sur facebook Partager sur twitter

Marée haute

Caroline Champetier

1998 - 17 minutes

France - Fiction

Production : Why Not Productions

synopsis

Elle a travaillé tout l’été dans un petit resto sur une plage normande. C’est la fin de la saison, pour l’amour aussi. Il l’a plaquée, en tout cas ça y ressemble, il y a de quoi parler toute seule, d’autant qu’il n’y a plus grand monde...

Caroline Champetier

Caroline Champetier est née à Paris le 16 juillet 1954. Directrice de la photographie formée à l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC), devenu La Fémis, elle a collaboré avec de nombreux réalisateurs français et étrangers, parmi lesquels Jean-Luc Godard, Claude Lanzmann, Jacques Doillon, Chantal Akerman, Xavier Beauvois, Leos Carax, Nobushiro Suwa, Laetitita Masson, Philippe Garrel ou Amos Gitaï.

Elle a reçu le César de la meilleure photo pour Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois en 2011, avant d'être à nouveau nommée en 2013 et 2022 pour deux films de Carax : Holy Motors et Annette.

Elle a réalisé plusieurs courts métrages, dont Le sommeil d'Adrien en 1993 et Marée haute en 1998. Elle a aussi signé un téléfilm, pour France 3, Berthe Morisot (2013) et un documentaire, Nuytten/film (2015)sur un autre directeur de la photographie : Bruno Nuytten.

Elle est la mère de la comédienne Alice de Lencquesaing, devenue également réalisatrice par le biais du court métrage En Maria (2021).

Critique

Marée haute part d’une idée toute simple : une jeune serveuse qui vient d’être abandonnée par son petit ami, rumine à voix haute. Adressée au départ à l’amant absent, la parole, faute d’interlocuteur réel, se répand, au mépris de toute convenance cinématographique et sociale, dans un espace où elle n'a a priori rien à faire, et qu’elle investit sous toutes ses formes. Cette prise de territoire est d’abord concrète : la salle de restaurant puis, par contamination, les cuisines et la plage. Humaine ensuite, le propriétaire du restaurant, le cuisinier et les clients, recevant des bribes de paroles de la jeune fille comme autant de balles perdues qui les atteignent plus ou moins. Intime enfin, les reproches directement adressés à l’amant finissant par s’égarer dans les méandres d’un discours intérieur où pensées furtives et incongrues (“C’est triste que Michel Berger soit mort”), remarques anodines et incidentes (“Je fais « floc » dans mes chaussures") et expressions d’une détresse plus profonde (“Puisque tu ne veux plus t’occuper de moi, il faut que je parle à quelqu’un”) se côtoient dans une même coulée continue de mots.

La propension de ce monologue intérieur à s’écouler ainsi en dehors de lui crée un entre-deux conversationnel revendiqué — car “Quand c’est officiel, c’est la merde” — qui se révèle être bien plus qu’un procédé formel un peu vain. Tenu de bout en bout — hormis le regard caméra du début du film, peut-être de trop —, celui-ci se nourrit d’une multitude de petites inventivités. Que ce soit la curiosité que témoigne le patron envers ces « paroles en l’air » ou la conversation inopinée de la jeune fille et d’un client dans les toilettes — quand deux “vagues à l’âme” se rencontrent —, tout, dans le film de Caroline Champetier, contribue à l’expression d’une marée verbale qui ne connaît pas de frontières et imprègne tout un chacun. “Ma mère elle a pas peur : toutes les conneries qui traînent, elle les dit.”

Dans Marée haute, les mots, à l’égal de la mer qui jouxte le restaurant, ne manquent pas de sel. Nés de la plume de Jérôme Beaujour, auteur du scenario, et servis par l'interprétation toute en finesse de Sylvie Testud, ils ne mettent pas en scène un discours logorrhéique et névrotique mais une parole de solitude, plus discrètement émouvante. Immergée dans une perspective de désert humain — la séparation amoureuse, la fin de la saison et le dernier jour avant la fermeture annuelle du restaurant —, elle témoigne du malaise existentiel de celui qui ne sait plus à quelle distance se tenir des autres — “Soyez moins fusionnel”, conseille justement l’horoscope de la jeune fille — et de ses mots. Contrairement à India Song de Marguerite Duras — à laquelle Caroline Champetier a d’ailleurs consacré un documentaire —, la voix n’est pas ici tenue à distance par des corps qui restent muets à l’écran. Elle est un flux en expansion qui ne s’achèvera pas — dernière belle décision de ce film gracieux — sur le triste ressac d’une parole refermée sur elle-même mais sur son évanouissement au son de quelques notes de musique.              

Claire Vassé

Article paru dans Bref n°41, 1999.

Réalisation et scénario : Caroline Champetier. Image : Julien Hirsch. Montage : Yann Dedet. Son : Jean-Claude Laureux et Brigitte Taillandier. Interprétation : Sylvie Testud, Louis-Do de Lencquesaing, Philippe Duquesne et Yves Ulmann. Production : Why Not Productions.

À retrouver dans


Warning: Unknown: write failed: No space left on device (28) in Unknown on line 0

Warning: Unknown: Failed to write session data (files). Please verify that the current setting of session.save_path is correct (/var/lib/php/sessions) in Unknown on line 0