Extrait
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Mano a mano

Louise Courvoisier

2018 - 23 minutes

France - Fiction

Production : La Cinéfabrique

synopsis

Abby et Luca, un couple d’acrobates de cirque, vont de ville en ville pour se produire sur scène. Leur relation amoureuse se dégrade. Le temps d’un voyage en camping-car jusqu’à la prochaine salle de spectacle, ils vont devoir affronter leurs problèmes et tenter de regagner confiance l’un en l’autre.

Louise Courvoisier

Originaire du département du Jura, Louise Courvoisier (née en 1994) a suivi le parcours scénario à la CinéFabrique de Lyon et obtenu son diplôme en 2018. Elle a réalisé entre les murs de l'école La jarretière, sélectionné notamment à Itinérances, Festival cinéma d'Alès, en 2019, juste avant que Mano a mano, son film de fin d’études, remporte le Premier prix de la Cinéfondation au Festival de Cannes. Avant d’être réalisatrice, elle a également été chanteuse et artiste de cirque avec sa famille et aime utiliser cette matière dans ses films.

En 2024, son premier long métrage, Vingt dieux, est présenté en sélection officielle du Festival de Cannes, dans la section Un certain regard. Produit par Ex Nihilo, le film a été retourné dans la région de Lons-le-Saunier et dans le Revermont.

Critique

Une barre en métal verticale autour de laquelle un homme tourne, aérien, comme suspendu sous l’effet centrifuge, au seul contact de ses mains : le bruit de sa peau s'y frottant, son souffle, l’effort des muscles, tendus et légèrement tremblants. Mano a mano, ce n'est rien que cela. Cette intelligence subtile du mouvement et l’attention aiguë à ce qu'il raconte, bien au-delà des mots. Et rares sont les films de fin d’études de cette étoffe, justement récompensé par le Premier prix de la Cinéfondation présidée par Claire Denis durant le Festival de Cannes 2019.

De ce premier plan persiste ainsi le mouvement et l’éclat précieux de ce qui vacille et jamais ne se fige. Plongeant ensuite dans les coulisses effervescentes et chaotiques d’un spectacle de cirque à la faveur d’un plan-séquence joliment exécuté, le film ne s’éloigne toutefois jamais de cette sensibilité exacerbée à la tension des corps et à la ténuité de leur équilibre ; qu’ils soient sculptés d’ombre et d’ambre par la lumière des projecteurs ou baignés dans l’atmosphère laiteuse du Jura, ce sont eux qui concentrent et organisent le regard, rythment les plans. C’est que, évitant l’écueil délétère d’une quelconque obsession formelle, Louise Courvoisier conquiert ce qui d’ordinaire échappe à plus avertis : ici, aucune habitude, aucun corps qui ne s’impose comme le rouage d’un récit, mais tous impriment à leur environnement une pulsation intime et précaire, tenant à distance tout discours établi. Aucun morcellement affecté, aucun raccord ou artifice superflu (jusqu’aux prénoms qui restent inchangés) ; ici la mise en scène ne dit rien, mais éveille, déploie, sans emphase.

Il s’agit alors moins de saisir la relation heurtée d’Abby et de Luca, couple d’équilibristes dont la confiance et la complicité se fissurent à la suite d’une chute qui aurait pu être évitée par une meilleure écoute, que d’éprouver avec ces corps les tensions qui les environnent, les enveloppent d’une inextricable toile dans laquelle l'essentiel est d’abord de garder pied. Mano a mano explore ville et campagne, la majesté du spectacle et la nature vigoureuse, le rêve et les difficultés financières ; mais si les contrastes sont multiples, ils ne se figent et ne s’opposent jamais, s’apprivoisant bien davantage dans la délicate mobilité qui les lie par-delà leurs dissemblances. C’est un film sur l’effort et la confiance, la maîtrise et le désir, sans qu’aucun ne s’exclue, à la recherche du juste équilibre, sensiblement vacillant.

Voilà Mano a mano, un film comme un tremblement puissant et gracile : il y a l’envie de partir et le poids de l’engagement, la fatigue du corps et le plaisir du dépassement, la force et la grâce – à la recherche d’aucun, si ce n’est de leur lien. Vibrante scène finale alors, qui ne résout rien mais tremble, dans la mobilité d’un souffle, d’une respiration.

Claire Hamon

Article paru dans Bref n°125, 2020.

Réalisation et scénario : Louise Courvoisier. Image : Auguste Bonnet. Montage : Sarah Grosset. Son : Iza Aallerich. Interprétation : Abby Neuberger, Luca Bernini et Mehdi Azema. Production : La Cinéfabrique.

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