Extrait
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Maman

Christophe Loizillon

2020 - 9 minutes

France - Documentaire

Production : Les Films du Rat

synopsis

Un fils essaye de parler avec sa mère.

Christophe Loizillon

Né en 1953 à Gorcy, en Lorraine, Christophe Loizillon étudie à Paris, à la faculté de Nanterre, où il obtient un Master d’économie en 1976.

Il travaille ensuite comme monteur sur les films de Christine Pascal, Léos Carax et Alain Corneau. Il débute comme réalisateur en 1982 avec un court métrage documentaire, Lieux communs. Entre 1985 et 1997, il réalise une série de cinq films, portraits d’artistes et de leur travail : Georges Rousse, Roman Opalka, François Morellet, Eugène Leroy, Felicie Varini.

Il crée en 1995 avec Santiago Amigorena, sa propre maison de production, Les Films du Rat, au sein de laquelle le réalisateur entame une réflexion sur le rapport de l’homme à son corps – à travers Les mains (1997), Les pieds (2000), Les visages (2005), Corpus/Corpus (2008), Les sexes (2017) –, mais aussi à son environnement, à la famille (Famille, 2011 ; Maman, 2020) et, plus largement, à l’Autre (Homo/Végétal et Homo/Animal, 2013 ; Homo/Minéral, 2019 ; Êtres vivants, 2014). En 2022, il signe un nouveau court métrage : L'escalier.

Parallèlement à son travail de réalisateur, il aura présidé l’ACID (l’Agence pour le cinéma indépendant et sa diffusion) de 1999 à 2002. Il intervient également dans des écoles des Beaux-Arts, de cinéma et à l'université.

À partir de 1995, Christophe Loizillon semble avoir trouvé son “économie” : en devenant producteur, il trouve une forme d’indépendance économique et artistique. Cette nouvelle manière de faire des films est étroitement liée à une esthétique filmique, déjà présente dans ses premières œuvres, mais qui s'est affirmée alors : une économie de plans, souvent fixes, entrecoupés par des noirs de quelques secondes, le souci du détail, de ce sur quoi on ne porte que rarement notre regard.

Comme une grande fresque du vivant, ses films avancent et se répondent ; autant de correspondances possibles que de plans, que de films, que de tableaux, et même si Christophe Loizillon guide le spectateur d’une toile à une autre à travers son œuvre, celui-ci reste libre de s’y promener et d’y tresser sa propre odyssée.

En ce qui concerne le format de long métrage, Christophe Loizillon ne s'y est adonné qu'à deux reprises, pour Le silence de Rak (1997), avec François Cluzet, et pour Ma caméra et moi, avec Julie Gayet et Zinedine Soualem (2002).

On se reportera, pour davantage d'informations, à son site personnel.

Critique

La sophistication formelle de Christophe Loizillon est moins de mise dans ce face-à-face filmeur/filmée, très vraisemblablement réalisé absolument seul et peut-être bien avec un téléphone portable. Ce régime “artisanal” d’image renvoie précisément au film de famille, à cet acte qui nous guette tous, pour lequel on passe à l’acte ou non à temps : filmer avec ce que l’on a sous la main les êtres pour enregistrer leur présence, avec la conscience de leur disparition prochaine, acte qui consiste à fabriquer une archive.

Ces remarques préliminaires faites, Maman reste cependant complètement ancré à l’univers cinématographique de celui qui a signé Les mains (1996), Les visages (2003) ou encore Corpus/corpus (2009) : la dimension performative, la continuité du plan séquence, le regard sur le corps et ses états, ses âges et son vieillissement. Maman ne compte en effet qu’un seul plan d’un peu moins de neuf minutes. Lequel débute sur les mains du personnage-titre, alors que l’une du fils entre dans le cadre pour la tenir. Puis, après une minute, la caméra remonte pour se fixer sur le visage de Sabine Loizillon, et y rester jusqu’au terme.

Maman est assurément un film douloureux parfaitement résumé par son synopsis : “un fils essaye de parler avec sa mère”. Essaye, mais n’y parvient pas, ou si peu. Au timbre franc et plein de conviction des interpellations du fils-cinéaste, elle oppose une voix traînante trahissant la fatigue de vivre, énonçant un vocabulaire simpliste, enfantin – moment bouleversant quand, à la question de savoir où elle est, elle répond : “dans une maison pour enfants”.

C’est un cycle terrible et banal qui est à l’œuvre, et Christophe Loizillon filme le croisement suivant : le fils, l’ancien enfant, est devenu l’adulte, responsable d’une mère qui a perdu de son autonomie, retournant ainsi à une sorte d’état d’enfance. Mais sans la vitalité de cette dernière, bien au contraire, c’est un état de présence au monde très mince qui est représenté ; l’endormissement menace sans cesse, le fil qui relie à la vie semble pouvoir rompre à chaque instant.

Le titre indique le sujet du film, qui est bien la figure maternelle. Mais malgré la présence hors champ du cinéaste, par la voix uniquement, si ce n’est cette main dans le champ la première minute, Maman est aussi le portrait d’un fils qui semble se retenir de crier, il se trouve en tout cas dans la souffrance que le dialogue ne puisse s’établir, rendu à une douloureuse acceptation de l’inacceptable.

Arnaud Hée

Réalisation, scénario, image, montage et son : Christophe Loizillon. Production : Les Films du Rat.

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