Extrait
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Mademoiselle

Guillaume Gouix

2014 - 17 minutes

France - Fiction

Production : Dharamsala

synopsis

“J’arrive pas à me rappeler la dernière fois qu’un mec a été vulgaire avec moi. Évidemment que je détestais ça. Mais Madame, putain, il y a un monde. Ce petit con m’a appelé Madame.”

Guillaume Gouix

Né en 1983 à Aix-en-Provence, Guillaume Gouix se passionne dès l’adolescence pour les arts dramatiques. Il intègre une formation au conservatoire de Marseille, puis à l’école régionale d’acteur de Cannes. Sa carrière débute par de nombreux téléfilms. Il se fait remarquer en 2003 pour sa performance dans Les lionceaux de Claire Doyon.

En 2007, il apparaît dans L'ennemi intime de Florent Emilio Siri, dans un rôle secondaire qui va néanmoins permettre à sa carrière de prendre de l’ampleur. Dès l’année suivante, il livre une de ses plus belles performances dans Les hauts murs, qui se déroule dans un pensionnat pour enfants turbulents dans les années 1930. Il poursuit sur cette lancée en jouant dans Poupoupidou, puis Et soudain, tout le monde me manqueet le premier long métrage de Teddy Lussi-Modeste, qui lui vaut une nomination au César du meilleur espoir masculin en 2012 : Jimmy Rivière.

Visage de plus en plus connu du cinéma français, il poursuit dans Mobile HomeAlyah et Attila Marcel. L'acteur est ensuite à l’affiche de polars ou films à suspense, tels La FrenchEnragésBraqueurs ou encore, aux côtés de Juliette Binoche et François Civil, dans Celle que vous croyez de Safy Nebbou.

Parallèlement à sa carrière d’acteur, il écrit et réalise trois courts métrages : Alexis Ivanovitch vous êtes mon héros (2011), Mademoiselle (2014) et Mon royaume (2019). Mademoiselle a été sélectionné au Festival de Venise et au FIFF, à Namur (Belgique).

Il signe son premier long métrage, Amore mio, en 2022. Le film, qui réunit Alysson Paradis, Élodie Bouchez et Félix Maritaud, sort en salles le 1er février 2023.

Critique

Foule en mouvance, lueur bleutée des néons, deux femmes dansent. La caméra se faufile entre les corps transpirants d’allégresse et le spectateur assiste à ce qu’il pense être le vrai drame de l’intrigue : l’indécent dérapage d’un homme éconduit et frustré auprès de l’une d’elles. Et alors que sa sœur blâme le geste du responsable, ce nonchalant “détendez-vous, Madame” vient tout autrement ébranler son aplomb protecteur. Ce qui devrait avoir goût d’injonction cavalière, en ce qu’il combine maladroitement présomption d’hystérie, feinte politesse et condescendance déguisée, marque le début d’une longue et nostalgique introspection. 

Au cœur d’une photographie noctambule lente et contemplative brille en ce personnage anonyme la très juste interprétation de Céline Sallette, son air vague et tourmenté où toutes les humeurs se mêlent face à un doute naissant et insidieux. Si le Mademoiselle semble à ses yeux rendre grâce à une femme jeune, désirable et courtisée, que se cache-t-il derrière l’antithétique madame ? Un brin de respect qu’impose une maturité apparente, ou l’annonce euphémique d’une féminité en péremption ? Tant de subtilités dans cette seule locution, à l’oreille si légère. “Vous me trouvez comment ?”, s’enquiert la femme auprès d’un inconnu ; “pourtant, je ne suis pas mal…”, s’indigne-t-elle face à sa sœur. Au rythme des volutes de fumée se déclinent de brèves interactions, à la fois fourbes et innocentes, touchant syndrome d’une crise de légitimité et d’une assurance qui se dilue. 

Ce que ce film a de terriblement déconcertant, c’est sa manière frontale d’interroger l’ambivalence d’une drague masculine vulgaire, déplacée, envahissante, qui irrite tant qu’elle paraît toutefois conforter et légitimiser. Une complexité joliment mise en scène par Guillaume Gouix qui juxtapose à la danse finale cette altercation, à l’inversion des rôles presque – doublement – scénarisée, un peu glaçante, où se confondent ivresse, ressentiment et plaisanterie. La graine de vérité plantée, le réalisateur nous fait un adieu pensif sur ce semblant de sérénité retrouvée, ce “bonne nuit, mademoiselle” murmuré, au doux son de berceuse. 

Dans un élan philosophique, Mademoiselle explore aux plus près des visages les contradictions impalpables et indésirées d’une cause. Figeant par une caméra patiente ce besoin perpétuel d’être rassuré(e), cette recherche de validation dans le regard de l’homme, qui supplante parfois l’aversion naturelle d’un sexisme latent : il renouvelle et humanise avec superbe l’idée qu’on a du féminisme. 

Marie Labalette

Réalisation et scénario : Guillaume Gouix. Image : David Chambille. Montage : Albertine Lastera. Son : Mathieu Descamps, Pierre André et Marc Doisne. Interprétation : Céline Sallette, Fanny Touron, Vincent Deniard, Finnegan Oldfield et Laurent Delbecque. Production : Dharamsala.

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